L'assurance vous indemnise-t-elle correctement ?

Le CRI n°461 - Février 2022
L'assurance vous indemnise-t-elle correctement ?

De nombreux propriétaires, dans les négociations avec leur assureur après sinistre, sont parfois embarrassés. Ils considèrent, soit qu’un peu vite… leur assurance refuse la couverture, soit que, tout en l’acceptant, l’indemnisation n’est que partielle.

Nous évoquerons, dans le présent article, deux questions sensibles :

  • celle, d’une part, de la limitation de l’indemnisation après prise en compte d’un coefficient de vétusté.

  • celle, d’autre part, de la couverture consécutive à des fissures dans un bien,

La prise en compte de l’état de vétusté de la chose endommagée

Il est fréquent que, lorsque l’expert est appelé à évaluer un dommage devant être pris en charge par l’assurance, celui-ci limite la réparation en relevant que l’immeuble sinistré a déjà « un certain âge » et que, dans le montant fixé, il importe de prendre en considération la vétusté.

Faut-il appliquer un coefficient de vétusté ?

La règle de base rappelée par notre Cour de Cassation en date du 17/09/2020 est simple :

« Celui dont la chose est endommagée par un acte illicite a droit à la reconstitution de son patrimoine pour la remise de la chose dans l’état où elle se trouvait avant ledit acte ».

Nous partirons d’un exemple.

Un entrepreneur, pour permettre la réalisation de caves, sans s’en référer à l’architecte et ne disposant pas de plans d’exécution, « fonce » en effectuant des terrassements.

Malheureusement, celui-ci effectué sur une annexe de l’habitation, provoque l’effondrement de la partie arrière de l’immeuble.

Dans son rapport d’expertise, l’expert avait relevé que la partie à reconstruire avait un état général déjà dégradé des murs enterrés et des mortiers, de manière telle qu’il avait considéré que l’ensemble des travaux de reconstruction devait être évalué en prenant un coefficient de vétusté important.

C’est ainsi que, au niveau de la Cour d’Appel, cette indemnité fut réduite au motif « qu’il devait être tenu compte de la précarité des fondations ».

La Cour de Cassation a rappelé le principe de base en considérant que la victime d’une faute doit pouvoir recevoir un montant nécessaire à la réparation sans que ce montant ne soit diminué en raison de la vétusté de l’immeuble endommagé.

Cet enseignement, les propriétaires et copropriétaires sinistrés doivent bien l’intégrer car que de fois il est constaté, après la fixation d’une indemnisation, une déduction liée à l’ancienneté de la construction.

Cet Arrêt est conforme aux conclusions du Ministère Public :

« Indépendamment de l’examen de la question fondamentale du choix de la valeur du bien à prendre en considération, il n’en reste pas moins évident que l’application d’un éventuel abattement pour vétusté et l’ampleur de cet abattement doivent être justifiés afin d’assurer une réparation intégrale du dommage.

Le Juge saisi d’une telle demande en réparation devrait, me semble-t-il, tenir compte de tous les éléments concrets d’appréciation du dommage afin de replacer la partie lésée dans la situation dans laquelle elle se trouvait avant la survenance du dommage (c’est nous qui soulignons).

Il s’agira de veiller à réparer intégralement tout le préjudice et rien que le préjudice ».

La couverture de l’assurance en cas de fissures dans un bien

Reprenons un exemple.

Un immeuble connaît des désordres multiples.

On constate que certaines portes frottent sur le sol, ne se ferment plus correctement et que des fissures erratiques se dessinent çà et là dans les maçonneries. Il est aussi relevé que certaines fenêtres ne s’ouvrent plus.

Le propriétaire fait alors recours à un Bureau d’expert.

Il est réalisé une endoscopie des canalisations de l’habitation, ce qui ne relève aucune anomalie et il est donc exclu que le sinistre résulte d’une exfiltration ou d’un mouvement de terrain dû à une canalisation problématique.

Il est alors réalisé une étude géotechnique et les examens permettent de déterminer que la structure du sol est composée de terres argileuses relativement plastiques, voire très plastiques.

C’est ainsi que l’expert relève que « les sols argileux très peu perméables dans le cas d’espèce empêchent les eaux superficielles, qui s’infiltrent depuis la surface du terrain, de migrer rapidement en profondeur ».

Il est aussi relevé que « les eaux souterraines se retrouvent çà et là dans les premiers décimètres/mètres du terrain au sein des terrains plus perméables au sortir de la période hivernale et/ou à la suite des périodes pluvieuses ».

L’expert relève aussi qu’ « il existe un risque accru de varier sensiblement de volume en fonction de l’état d’humidité et notamment de se contracter en s’asséchant ».

Un tel retrait s’accompagne alors d’un affaissement des sols et si un tel phénomène se produit sous une construction, il se produit inévitablement des mouvements entraînant généralement l’apparition de fissures.

Le malheureux sinistré s’adresse à sa compagnie d’assurance qui garantit le risque « catastrophe naturelle », les conditions générales de la police relevant la couverture en cas d’inondation, tremblement de terre, débordement ou refoulement d’égouts publics, glissement ou affaissement du terrain… »

La notion de « glissement ou affaissement de terrain » est définie dans les conditions générales comme étant « le mouvement dû en tout ou en partie à un phénomène naturel, à l’exception, du tremblement de terre et de l’inondation, d’une masse importante de terrain qui détruit ou endommage des biens ».

Or, dans le cas existant, il était mis en évidence que les fissures rencontrées résultaient d’un mouvement différentiel de tassement d’une partie du terrain sous l’effet d’une longue période de sécheresse.

L’assurance contactée refuse son intervention en relevant certaines décisions de jurisprudence et en précisant notamment :

« Il n’y a pas eu « affaissement » au sens de « mouvements d’une masse importante de terrain ». Il y a eu seulement une diminution de volume du sol suite à un manque d’eau et ensuite augmentation à nouveau de ce volume suite à la réhumidification.
Cet élément est lié à la présence d’argile dans le sol et ne présente aucun caractère accidentel ni aléatoire, conditions du contrat d’assurance ».

L’absence de caractère accidentel et soudain serait déterminant pour l’assurance

Faut-il s’incliner par rapport à une telle approche ?

Quand bien même chaque litige est particulier, il nous apparaît utile, pour des copropriétaires étant dans une situation semblable, de les inviter à invoquer un Arrêt du 20 juin 2017 (cité par Chr. VERDURE, D. FAIRON, « Assurance Incendie : précisions jurisprudentielles récentes », LARCIER, 2017, p. 22).

Cet ouvrage relève ce qui suit :

« La Cour d’appel de Mons s’est prononcée sur la portée d’une police d’assurances qui indiquait que, pour appliquer la garantie relative aux catastrophes naturelles, il fallait, mais il suffisait que ce mouvement du sol soit dû en tout ou en partie à un phénomène naturel, sans qu’il ne soit exigé qu’il doive relever d’un événement à caractère soudain. Cette précision contractuelle relative à l’absence de caractère soudain doit être validée, étant donné que l’intention du législateur n’a pas été de conditionner le risque d’affaissement à un quelconque critère. Ainsi, constituent bien un affaissement dû à un phénomène naturel, les fissures apparues en façade d’un immeuble, ayant pour origine un tassement des fondations peu profond lié à une variation importante de l’humidité des argiles compressibles du sol si dû à un affaissement des sols de fondation résultant de leur retrait par assèchement consécutif à une période de sécheresse intense survenue en août 2009, époque à laquelle le phénomène de fissuration a commencé à se développer ».

Et nous pouvons affirmer que cette approche de la Cour d’Appel, la Commission Economie de la Chambre des Représentants, apparaît la suivre.

On peut en effet lire d’une communication « BELGA » du 06.10.2021 ce qui suit :

« La Commission Economie de la Chambre a approuvé mercredi, à l’unanimité, une proposition de loi interprétative qui garantira que les propriétaires soient mieux assurés en cas d’affaissement dû à la sécheresse.

De plus en plus d’habitations ont été endommagées par la sécheresse ces dernières années.

Celles construites sur des sols argileux sont particulièrement touchées car ce type de sol se contracte et s’affaisse.

Cependant, de nombreuses compagnies d’assurance refusent souvent de couvrir ces dommages et les propriétaires héritent alors de factures pouvant s’élever à plusieurs dizaines de milliers d’euros.

Cette proposition doit répondre à ce problème en précisant que les dommages causés par la sécheresse étaient déjà considérés par la loi de 2005 comme étant couverts par l’assurance Incendie… ».

Voilà donc une approche extrêmement intéressante avec une future loi interprétative qui serait votée et qui permet aux copropriétaires préjudiciés d’avancer des arguments utiles en cas de refus de couverture de l’assurance.

En conclusion

Nous pensons pouvoir conseiller à nos lecteurs, par rapport à une proposition d’indemnisation limitée suite à la prise en compte d’un état de vétusté ou par rapport à un refus de couverture en cas de fissures de leur bien, une analyse fouillée de la réponse de l’assureur, laquelle ne doit jamais être prise « pour argent comptant ».

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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