L’Administration des finances est toujours à l’affût d’opérations immobilières et certainement des contribuables personnes physiques disposant d’un confortable patrimoine immobilier. Son but est d’envisager l’hypothèse d’une requalification des revenus immobiliers en revenus professionnels, avec toutes les conséquences financières qui en découlent.
Parfois, la surprise ébranle l’Administration. Celle-ci avait entendu requalifier les revenus immobiliers retirés par un couple de leurs 32 « kots » d’étudiants et d’un appartement, dont les acquisitions avaient été financées par un emprunt hypothécaire, en revenus professionnels.
Tant en première instance qu’en degré d’appel, les contribuables ont obtenu gain de cause (Appel Bruxelles 7 mars 2023, publié à la revue « Jurisprudence fiscale » 2024/03, p.117). La Cour d’appel a souligné que le simple recours à l’emprunt pour l’acquisition de l’immeuble ne suffit pas à établir l’existence d’une activité professionnelle entraînant une requalification de revenus.
Dans ce litige, les magistrats ont considéré que les quelques obligations de surveillance découlant des contrats de bail sont communes aux baux d’appartements situés dans des immeubles à appartements multiples, et, n’engendrent pas une gestion importante, ce qui entraîne l’exclusion d’une organisation qualifiable de « professionnelle ». En l’espèce, les contribuables avaient pu faire valoir notamment :
l’absence de tout lien avec des professionnels de l’immobilier
l’immeuble litigieux était leur unique investissement
l’absence de tout risque même en prenant en considération l’emprunt contracté
l’absence de tout travaux, le bien étant affecté à la location de « kots d’étudiants » plus de dix ans avant l’acquisition du bien.
Dans son arrêt du 9 novembre 2023 (n°142/2023), la Cour Constitutionnelle a également été saisie de cette question de principe de « requalification ». Elle s’est référée au plan des principes à l’enseignement de la Cour de cassation selon lequel les revenus sont qualifiés de professionnels lorsqu’ils proviennent d’occupations lucratives constituées d’un « ensemble d’opérations suffisamment fréquentes » et « qui sont suffisamment liées entre elles » pour constituer une « activité continue et habituelle ».
Ces points de fait sont à apprécier souverainement en fait par le juge du fond (tribunal puis éventuellement cour d’appel).
Les contribuables investisseurs en puissance peuvent être étonnés par ce flou qu’ils ressentent comme inquiétant.
Ces contribuables investisseurs en puissance regrettent cette absence de précisions. La Cour constitutionnelle rejette ce reproche et leur rétorque qu’ « …On ne saurait reprocher au législateur, au nom de la sécurité juridique , de ne pas voir fixé en l’occurrence des critères à ce point précis que l’administration fiscale et le juge ne disposeraient plus d’aucun pouvoir d’appréciation dans une matière qui se caractérise par une très grande diversité de situations » (idem).
La Cour constitutionnelle insiste pour relever que « chaque contribuable peut saisir l’administration fiscale pour qu’elle détermine, par la voie d’une décision contraignante, comment la loi fiscale s’appliquera. ». La Cour vise le Service des Décisions Anticipées (en abrégé le SDA ).
Dans cette décision, la Cour constitutionnelle a estimé devoir ajouter que ces décisions de principe « …sont publiées de manière anonyme, ce qui rend également plus prévisible leur application par l’administration fiscale à d’autre cas concrets. Contrairement à ce que suggère la question préjudicielle, les décisions anticipées concourent à la clarté et à la prévisibilité de la loi fiscale sans que le Service des décisions anticipées ne deviennent un législateur pour autant ».
Ces deux décisions de principe attirent l’attention sur le cheminement des réflexions, du raisonnement et de la prudence lors d’investissements en biens immobiliers.