Quels sont les testaments les plus courants ?

Le CRI n°473 - Avril 2023
Quels sont les testaments les plus courants ?

Dans le premier article paru dans Le Cri de mars 2023, nous avons souligné l’importance de faire un testament.

Plus spécialement, nous avons abordé la question des droits exorbitants de l’usufruitier introduits par le nouveau Code civil, lequel peut seul décider de vendre certains biens, sans en référer avec les nus-propriétaires.

Précision : dans l’article paru dans Le Cri de mars, il a été question de l’usufruit successif du conjoint survivant avec une contradiction. Cet usufruit successif est appliqué aux donations avec réserve d’usufruit à la double condition que les conjoints soient les mêmes au jour de la donation et au jour du décès, mais également mariés ensemble à ces deux dates ce qui n’apparaissait pas clairement dans l’article.

L’usufruit successif concerne toutes les successions ouvertes à partir du 1er septembre 2019, avec effet rétroactif en ce sens que cela s’applique aux donations effectuées sous l’ancienne loi !

Par contre, si l’usufruit des deux conjoints a été constitué avant le mariage, celui-ci accroîtra bien en faveur du survivant, même si le mariage est intervenu par la suite, mais à la condition que la naissance de l’usufruit conjoint soit postérieure au 31 août 2021.

Nous passons en revue des situations fort courantes dans lesquelles un testament peut être intéressant tant sur le plan fiscal que sur le plan civil.

Testament en présence d’une descendance (enfants ou petits-enfants)

En principe, la succession est assurée en vertu de la loi ; la nécessité de faire un testament est moins importante, mais il existe des clauses testamentaires qui vont réduire certaines difficultés lors du partage entre les héritiers et d’autres qui vont réduire les droits de succession.

La première chose à prévoir dans un testament est de s’assurer que le conjoint survivant ne tombera pas dans la disette financière ; c’est pourquoi, il est fréquent de lui léguer des droits en pleine propriété en plus de l’usufruit légal.

Le conjoint survivant

La loi de 1981 a octroyé l’usufruit sur toute la succession au conjoint survivant. En 1981, l’emprunt de l’Etat belge rapportait 13 %, aujourd’hui il ne rapporte plus que 3 %. Le rendement immobilier a également fort baissé avec une hausse de taxes en prime. Actuellement, l’usufruit n’est dès lors plus aussi confortable pour le conjoint survivant.

C’est pour cela que les conjoints peuvent envisager de se léguer mutuellement une part d’héritage en pleine propriété.

Il faut être conscient que ce legs testamentaire en pleine propriété en faveur du survivant peut avoir pour conséquence d’alourdir les droits de succession quand le survivant viendra à décéder à son tour puisque ces biens seront taxés deux fois, une fois dans le chef de la succession du premier décédé et une deuxième fois dans le chef de la succession du conjoint survivant.

Résidence commune des époux

C’est pourquoi il est conseillé de limiter ce legs en pleine propriété à la seule résidence commune des époux ou des cohabitants car c’est gratuit dans les trois régions, avec des conditions plus strictes pour les cohabitants à Bruxelles et en Wallonie.

Il reste que le gros avantage de l’usufruit, c’est qu’il prend fin au décès et ne réduit pas le patrimoine des enfants outre le fait qu’il n’y aura pas de droits de succession lorsque cet usufruit prend fin, avec quelques exceptions comme l’achat scindé dont nous avons déjà parlé à plusieurs reprises dans le Cri.

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Pas de vente sans l’accord des deux parties : l’usufruitier et le nu-propriétaire

Il est généralement conseillé d’indiquer dans le testament que l’usufruit ne peut pas être converti sans l’accord écrit et préalable de l’usufruitier, ce qui le protègera contre une demande hostile de ses enfants voulant sortir leur père ou leur mère de l’usufruit en lui payant une indemnité qui est souvent assez faible.

Par ailleurs, il est également conseillé d’indiquer que l’usufruitier ne peut pas vendre les biens sans l’accord du nu-propriétaire, ce qui est une nouveauté que nous avons décrite dans le premier article de cette série.

Maintenir ou retirer le droit à l’usufruit successif ?

Actuellement, il y a beaucoup d’embrouilles au sujet de la réversion d’usufruit en faveur du conjoint survivant car il y a deux modifications de loi récentes qui ont changé la donne.

Ce sont toutes les situations où le conjoint hérite d’un usufruit qui était détenu par son époux décédé, soit parce que c’était convenu dans une convention (achat, vente, donation), soit en vertu de la loi (usufruit successif ou accroissement).

Il faut retenir que la réversion d’usufruit est taxée dans certains cas, mais à un taux faible pour des petits patrimoines, que l’accroissement d’usufruit n’est pas taxé dans la majorité des cas, mais que l’usufruit successif est fort taxé en Flandre et pas taxé à Bruxelles et en Wallonie.

Cette situation est assez compliquée car aucun Belge n’est certain de son lieu de décès pour s’assurer comment il doit rédiger son testament s’il devait déménager dans une autre région au cours de sa vie.

C’est pourquoi, de manière générale, les notaires flamands conseillent de supprimer l’usufruit successif du conjoint survivant dans les testaments mais de maintenir l’accroissement légal d’usufruit si les deux conjoints sont ensemble usufruitiers.

Ils vont également conseiller de modifier les donations avec réserve d’usufruit pour introduire une réversion d’usufruit conventionnelle qui est nettement moins coûteuse en taxes que l’usufruit successif alors que les effets sont les mêmes !

Comprenne qui voudra…

Saut de génération

Le constat est clair : nous vivons plus longtemps. Il est dès lors fréquent que les enfants d’un défunt sont déjà retraités au décès de leur père ou mère et ont eux-mêmes des enfants, voire même des petits-enfants.

Il peut être intéressant de léguer par testament une partie de la succession directement aux petits-enfants, car les taux de taxation recommencent dans les petites tranches (3 %, etc.) et viennent réduire la taxation des enfants qui évitent ainsi une taxation aux taux supérieurs (24 %, 27 % ou 30 %).

En outre, on ne paye qu’une fois des droits de succession sur deux générations au lieu de payer des droits de succession à chaque génération.

Il y a plusieurs variantes pour faire ce saut de génération : soit on le fait sur un immeuble bien défini en léguant l’usufruit aux enfants et la nue-propriété aux petits-enfants, soit on lègue une somme d’argent.

Par tête ou par branche ?

Dans ces testaments qui prévoient un saut de génération, la question vient rapidement si on le fait par tête ou par branche. En d’autres mots, est-ce que chacun des petits-enfants reçoit la même chose ou est-ce que la dévolution légale doit être respectée, en ce sens que les petits-enfants reçoivent moins s’ils sont plus nombreux dans leur fratrie que leurs cousins.

L’expérience de cette technique nouvelle retient que le legs d’une somme d’argent se fait en général de manière égale en faveur de tous les petits-enfants mais que le legs immobilier se fait en respectant la dévolution légale descendante.

Fidei-commis de residuo

Un autre élément à prévoir est le fait que dans les familles ayant plusieurs enfants, tous ces enfants ne vont pas nécessairement décéder à leur tour en ayant une descendance.

Fiscalement, il est très intéressant d’indiquer dans le testament que les biens qui ont été hérités par un enfant qui décède par la suite, sans descendance en vie, revienne aux autres enfants, le cas échéant à leurs descendants par branche. C’est ça le « fidei-commis de residuo ».

On dit également « de residuo » car ce legs fidei-commis (= par personne interposée) n’intervient que sur ce qui reste (« residuo ») de l’héritage des parents, les enfants ayant le droit de vendre et de dépenser l’héritage.

Ce qu’ils n’ont ainsi pas dépensé reviendra aux enfants ou petits-enfants désignés dans le testament, en l’occurrence dans notre exemple les autres descendants.

Le grand intérêt est que cette seconde succession n’est pas taxée à 55 % (Flandre) ou à 65 % (Bruxelles et Wallonie), mais au tarif ligne directe (3 % à 30 %) car cette succession provient du testateur initial, ce qui fait une très grande économie d’impôts.

Pour être complet, il existe le fidei-commis « fermé » et le fidei-commis « ouvert » en ce sens que le premier ne permet pas aux enfants de faire des donations ou des legs testamentaires concernant les biens qu’ils ont hérités de leurs parents et que dans le second, les enfants sont bien libres de donner ou de léguer à d’autres personnes.

Cela ne concerne bien sûr que les biens de la succession de leurs parents, pas les autres biens que les enfants ont acquis par eux-mêmes ou autrement.

Pas de bagarre successorale

Il est également possible de terminer son testament par une clause qui indique que le testateur veut empêcher des comptes et décomptes entre ses enfants en indiquant que toute différence éventuelle sera considérée comme à prendre sur la quotité disponible de la succession et ne fera pas l’objet d’un rapport entre enfants.

Testament d’un couple sans enfants

En général, les couples sans enfants ont prévu un testament qui lègue la totalité de la succession au survivant.

Mais vient la question ce que le survivant fera de toute cette succession ?

En général, c’est l’épouse qui survit à son mari, mais rien n’est assuré car l’inverse peut survenir. Dès lors que les deux époux n’ont pas les mêmes héritiers, chacun ayant sa propre famille, il est utile de prévoir un second volet dans le testament qui prévoit la situation où les époux décèdent en même temps ou le cas où le testateur ou la testatrice est le survivant.

Dans ce deuxième cas, il est fréquent que les deux époux fassent chacun un testament « en miroir » ce qui veut dire qu’ils prévoient la même disposition testamentaire sans connaître lequel des deux décèdera le premier.

Ainsi, aucune des deux familles ne sera lésée à la condition toutefois que le conjoint survivant ne modifie pas son testament, ce qui dans le pratique n’est pas courant car le conjoint survivant reste très souvent attaché à la mémoire de celui qui est parti en premier.

L’expérience démontre d’ailleurs que les couples sans enfants sont souvent très affectueux avec une grande complicité.

Enfin, pour ce deuxième volet, il est intéressant de recourir au legs en duo pour les successions bruxelloises et wallonnes, la Flandre ayant éliminé cette possibilité.

Dans un prochain article, nous examinerons la situation des testaments avec legs en duo pour les personnes qui veulent gratifier des personnes subissant des taux élevés de droits de succession, à savoir les frères et sœurs (65 %), les neveux et nièces (70 %) et les autres personnes (80 %) ainsi que les testaments en faveur des personnes atteintes d’un handicap mental.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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