Responsabilité décennale et obligations de garantie de l’entrepreneur en bref

Le CRI n°472 - Mars 2023
Responsabilité décennale et obligations de garantie de l’entrepreneur en bref

En tant que particulier, vous vous êtes certainement déjà demandé à plusieurs reprises en quoi consiste exactement la « garantie décennale » à laquelle vous auriez droit (à en croire de nombreux juristes sur Internet) en cas de problème pendant ou après l’exécution de travaux par votre entrepreneur.

En tant que particulier, vous vous êtes certainement déjà demandé à plusieurs reprises en quoi consiste exactement la « garantie décennale » à laquelle vous auriez droit (à en croire de nombreux juristes sur Internet) en cas de problème pendant ou après l’exécution de travaux par votre entrepreneur. D’aucuns affirment que cette « garantie sur les travaux réalisés » est légalement ancrée dans le Code civil et qu’elle s’appliquerait également aux produits utilisés ou mis en œuvre pendant les travaux, donnant lieu à des discussions interminables dans la pratique. Dans le présent article, nous tâchons de formuler une réponse concluante aux questions les plus courantes qui sont arrivées jusqu'à nous ces dernières années, dans le but d’en clarifier les tenants et les aboutissants.

Est-il vrai qu’un entrepreneur est « légalement tenu » d’offrir une « garantie » de dix ans sur les travaux qu’il réalise pour moi ?

Non. Cette supposition repose sur une mauvaise lecture ou interprétation des articles 1792 et 2270 du Code civil (ancien). Ces articles stipulent que les entrepreneurs et les architectes peuvent être tenus responsables pendant dix ans des vices entraînant la perte (totale ou partielle) d’un bâtiment ou d’une partie importante de celui-ci, à condition que l’on puisse prouver que ces vices résultent d’une faute de l’entrepreneur et/ou de l’architecte.

Cette forme de responsabilité légale concerne uniquement les vices graves mettant en péril la stabilité de la construction et non les « vices apparents » (généralement couverts par la réception provisoire), les « vices cachés légers » (couverts par un autre régime de responsabilité) et les matériaux ou produits utilisés ou mis en œuvre pendant les travaux (qui peuvent toutefois être couverts par une garantie, voir plus loin).

Cependant, les termes des articles précités sont souvent interprétés (à tort) comme signifiant qu'un client particulier d’un entrepreneur a toujours « droit » à une « garantie » décennale sur tous les travaux réalisés par l’entrepreneur dans le cadre de sa mission. Cette lecture ou interprétation est erronée, du moins selon la doctrine et la jurisprudence faisant autorité, car les concepts de « responsabilité » et de « garantie » n’ont pas la même portée.

D’un point de vue technico-juridique, il peut uniquement être question de « responsabilité » en présence d’une faute (avérée) dans le chef de l’entrepreneur (c’est ce que l’on appelle la « responsabilité pour faute »).

La notion de « garantie » n’a, quant à elle, aucun rapport avec le raisonnement ci-dessus. Une garantie peut être invoquée même si le vice dans l’exécution des travaux ou les produits utilisés n’est pas dû à une faute dans le chef du fabricant ou de l’entrepreneur (c’est ce que l’on appelle la « responsabilité sans faute »). Par conséquent, le simple fait de constater qu’un travail ou un produit est défaillant suffit pour pouvoir invoquer, en tant que particulier, la garantie qui vous a été offerte.

Cela signifie-t-il que je ne peux pas du tout engager la responsabilité de mon entrepreneur pour des petits défauts ?

Non. En tant que particulier, vous pouvez, à condition de pouvoir prouver une faute dans le chef de l’entrepreneur, engager la responsabilité de l’entrepreneur pendant dix ans pour des défauts moins graves, également appelés « vices cachés légers » dans le jargon. Il s’agit des vices n’affectant pas la stabilité ou la solidité du bâtiment ou d’une grande partie de celui-ci et ne pouvant pas être observés par une personne prudente et raisonnable au moment de la réception (provisoire). Songeons par exemple à un carrelage détaché, de la peinture écaillée ou des (petits) problèmes au niveau des conduites sanitaires.

Dans son contrat, mon entrepreneur peut-il déroger aux règles de responsabilité précitées ?

La réponse à cette question dépend de la nature et de la gravité du vice concerné.

S’il est question d’un vice grave mettant en péril la stabilité, votre cas relève du champ d’application des règles relatives à la responsabilité décennale visées par les articles 1792 et 2270 du Code civil (ancien). Il s’agit alors d’une « règle d’ordre public » que l’entrepreneur ne peut en aucun cas exclure ou limiter. Cela signifie que, si vous êtes confronté, en tant que particulier, à des vices graves mettant en péril la stabilité, vous pouvez toujours invoquer les règles de responsabilité visées par les articles susmentionnés.

Par contre, en cas de « vices cachés légers », la situation est différente. En effet, votre entrepreneur peut alors limiter ou raccourcir contractuellement la durée de sa responsabilité. Selon la doctrine et la jurisprudence faisant autorité, l’entrepreneur peut limiter la durée de sa responsabilité pour les vices cachés légers jusqu’à 3 ans à compter de la réception provisoire. En tant que particulier, vous aurez alors toujours le droit, pendant (au moins) trois ans, d’engager la responsabilité de l’entrepreneur et ce, nonobstant des dispositions contraires dans le contrat.

Qu’en est-il de la garantie ? Un entrepreneur est-il tenu d’offrir une garantie sur les travaux, les matériaux et les produits ?

La réponse à cette question est ambigüe. En effet, il convient d’opérer une distinction entre une garantie sur les matériaux et les produits utilisés d'une part et une garantie sur l’installation (lisez : les travaux réalisés) d’autre part.

Lorsqu’un entrepreneur achète des matériaux ou des produits auprès de son fournisseur ou fabricant, il bénéficie généralement d’une « garantie d’usine » sur ceux-ci. S'il s'avère qu'il y a un problème avec les matériaux ou produits utilisés, vous pouvez invoquer la garantie par le biais de votre entrepreneur et réclamer le remplacement (ou, dans certains cas, le remboursement) de ces matériaux ou produits.

Conseils

  • Il peut être utile d’établir une règle pour le paiement des heures de travail nécessaires au remplacement des matériaux ou produits défectueux. En effet, ces frais (parfois considérables) ne sont pas toujours couverts par la garantie couvrant les matériaux ou produits, ce qui peut parfois susciter de la rancœur dans la pratique

  • Si vous avez acheté vous-même des produits neufs auprès d’un revendeur professionnel, en tant que consommateur, vous avez toujours droit à une garantie d’au moins deux ans.

Enfin, un entrepreneur n’est pas tenu d’offrir une garantie sur les travaux qu’il réalise. La loi ne prévoit aucune obligation à cet égard, si bien que l’entrepreneur est libre de décider de garantir ou non les travaux réalisés dans son contrat (ou ses conditions générales).

Conseil : dans la pratique, des garanties sont souvent offertes sur des travaux très spécifiques requérant une certaine expertise de la part de l’installateur (raccordement de panneaux solaires, pose d'une toiture, etc.). La durée de ces garanties varie d’un cas à l’autre entre deux et dix ans.

Conclusion : les bons accords font les bons amis

En tant que client, vous avez tout intérêt à dialoguer avec votre entrepreneur, mais aussi à lire attentivement le contrat conclu avec lui (sans oublier ses conditions générales). A cet égard, il est important d’accorder une attention particulière à la manière dont sa responsabilité est régulée et de toujours garder à l’esprit que l’entrepreneur est lui aussi lié par un certain nombre de prescriptions légales auxquelles il ne peut pas déroger sans aucune raison. Enfin, il n’y a pas de mal à interpeler votre entrepreneur au sujet des garanties éventuelles sur les travaux qu’il réalise, garanties qu’il est libre d’offrir s'il a confiance en ses connaissances et en ses capacités.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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