« Passez moi les clés ! » : l'importance d'avoir un vrai droit de propriété

Le CRI n°457 - Octobre 2021
« Passez moi les clés ! » : l'importance d'avoir un vrai droit de propriété

Les propriétaires victimes de la Zaïrianisation reçoivent un nouveau délai pour solliciter une indemnisation jusqu'au 6 novembre 2021

La spoliation des biens lors des conflits soulève l'ampleur et l'importance du droit au respect de la propriété.

Un récent témoignage d'un réfugié irakien, exprimé à Ixelles, doit retenir l'attention des propriétaires : « quand Daesh a obligé les chrétiens à partir, les soldats les ont rattrapés juste avant de passer la frontière pour leur demander ... les clefs de leurs maisons ! ».

Ce petit détail de la clef nous rappelle que ces Irakiens ont non seulement dû quitter leur lieu de vie, mais en plus, ils ont été obligés d'en remettre la clef pour que d'autres puissent prendre possession de leurs maisons sans autre forme de procès ni d'indemnisation.

On a l'habitude de mesurer la gravité des conflits par le nombre de tués, blessés ou déportés, mais on parle peu de la confiscation des biens qui est cependant très mal vécue aussi par les survivants.

Napoléon Bonaparte, après avoir été « le général vendémiaire », comprit l'importance de cette question et veilla à la restitution des biens confisqués par les révolutionnaires, ce qui a permis le démarrage du processus de réconciliation.

Plus tard, cette question sera également centrale pour les années qui ont suivi la chute du mur de Berlin et l'effondrement du bloc communiste, la plupart des pays libérés ayant ouvert la voie à des possibilités de restitution.

A chaque fois, cela concernait des propriétaires privés victimes de régimes totalitaires.

Plus récemment, avec la restitution des biens ayant appartenu aux victimes de la Shoah, on va plus loin encore en accordant ce droit à la restitution sur une plus longue période, dès lors que ces confiscations ont eu lieu dans le cadre d'un génocide.

On peut soutenir que ces restitutions sont considérées comme un préalable à quelque chose de plus grand, que sont la réconciliation et la paix.

Ce n'est pas toujours une procédure qui va de soi. Les autorités turques ont par exemple, au début du 21ième siècle, lancé des procédures de restitution des biens ayant appartenu aux chrétiens de Turquie, pour la plupart des arméniens mais aussi des chaldéens. Les discussions sont souvent compliquées car il faut trouver des solutions praticables quand la spoliation est fort ancienne et que les biens ont été vendus à de nouveaux propriétaires de bonne foi.

Déjà Napoléon Bonaparte avait limité la restitution des biens spoliés aux biens qui n'avaient pas encore de propriétaires légitimes, afin de diminuer de nombreux conflits entre l'ancien et le nouveau propriétaire, se disant chacun de bonne foi ou victime.

Ce processus a également secoué tous les pays de l'est de l'Europe qui ont été brutalement soumis au régime des Soviets en 1945. A chaque fois que d'anciens propriétaires qui ont fui ce régime totalitaire pour la sauvegarde de leur vie, revenaient pour retrouver leur propriété, ils se voyaient opposés à un nouveau propriétaire qui estimait qu'il était dans son droit de conserver le bien acheté et souvent payé, même s'il pouvait se douter que l'Etat a vendu des biens confisqués ou simplement délaissés par des propriétaires en fuite.

Un autre détail qu'il ne faut pas perdre de vue est la preuve : ces propriétaires ont souvent dû quitter leur pays en catastrophe et pensant plutôt à emporter des biens de valeurs comme de l'argent et des bijoux plutôt que ... des actes de propriété.

La reconstitution des preuves est également un droit qui n'est pas toujours respecté car entre la volonté affichée de rétablir les propriétaires dans leurs biens et la pratique de la preuve de ce droit de propriété, il y a souvent un fossé difficile à franchir.

Indépendamment de la question de la restitution des biens « mal acquis » au Musée de Tervueren, il y a encore toujours de nombreux Belges qui n'ont pas retrouvé les propriétés dont ils ont été spoliés en 1973, lors de la « Zaïrianisation », entendez confiscation de tous les outils de production.

Cela s'est passé de façon quasi inaperçue pendant les vacances, mais le gouvernement de la République Démocratique du Congo vient de rouvrir ce dossier de la Zaïrianisation : les propriétaires qui s'estiment victimes de cette forme de spoliation de leurs biens peuvent se faire connaître aux autorités Congolaises, mais le délai est anormalement écourté à 90 jours prenant fin le 6 novembre 2021.

La question de l'indemnisation est une voie médiane entre la restitution et la négation. Le propriétaire ne retrouve pas sa propriété, mais il est indemnisé, ce qui est souvent un moindre mal.

N'oublions pas qu'en droit belge, nul ne peut être privé de sa propriété que pour une cause d'utilité publique et moyennant une juste et préalable indemnité.

De plus, si les pouvoirs publics ne réalisent pas la cause de l'expropriation dans les 30 ans, les propriétaires expropriés peuvent demander la restitution de leurs biens moyennant le remboursement de l'indemnité perçue.

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