L'orientation des politiques de l'UE est fondamentalement façonnée par la composition du Parlement européen, mais aussi par le paysage politique de ses États membres, en particulier dans les plus grands et influents comme la France, l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie. Les récentes élections européennes soulignent cette dynamique, révélant un paysage politique complexe qui orientera les futures directions politiques de l'UE dans les cinq années à venir. Comment cela impactera-t-il le secteur de l’immobilier ? Il est trop tôt pour le dire. Cependant, avec quelques dossiers en cours et après l’adoption de la plupart des textes du Pacte Vert européen, on peut déjà prévoir pas mal de bouleversements pour notre secteur.
Un avenir incertain au Parlement européen
La vague d'extrême droite attendue lors des élections européennes de 2024 a abouti à un changement nuancé plutôt qu'à un bouleversement dramatique. Bien que les partis d'extrême droite aient réalisé des gains significatifs dans certains pays, leurs performances globales ont été inégales à travers l'UE. Le Parti populaire européen (PPE) de centre-droit reste le plus grand groupe au Parlement, suivi par les socialistes et démocrates (S&D) de centre-gauche. Mais en troisième et quatrième positions viennent désormais les deux grands blocs d’extrême droite : le tout nouveau parti des ‘Patriotes de l’Europe’, initié par le Premier ministre hongrois Viktor Orban et présidé par Jordan Bardella, et les Conservateurs et Réformistes Européens (ECR) de Giorgia Meloni. Les libéraux et centristes de Renew Europe sont maintenant relégués à la cinquième place.
Bien qu’il semble rester une majorité assez solide de partis pro-européens, le nouveau Parlement sera probablement plus polarisé et fragmenté, ce qui pourrait rendre plus difficile l'atteinte des compromis traditionnellement nécessaires pour la prise de décision de l'UE. Tout dépendra toutefois de la capacité des deux partis d’extrême droite à collaborer et des alliances possibles au cas par cas avec le PPE.
Mais les règles européennes ne se décident pas seulement au Parlement. La Commission européenne propose les lois, qui sont ensuite débattues et adoptées par le Parlement européen, mais aussi le Conseil de l'UE par le biais duquel les gouvernements des 27 États membres ont un pouvoir de colégislateur. L’avenir politique européen dépendra donc également des majorités politiques dans les États membres.
Pas de bouleversement à l’horizon
S’il est trop tôt pour augurer des orientations politiques de l’UE pour les cinq années à venir, la reconduction par les États membres d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne laisse déjà présager une certaine continuité dans les orientations politiques de l’UE. Ceci a été en partie confirmé lors de l’adoption fin juin par les 27 de l’agenda stratégique qui fixe les grandes lignes de l’agenda politique pour les cinq ans à venir. Si la défense et la sécurité prennent logiquement une place plus importante, l’objectif est de poursuivre les objectifs du Green Deal européen (Pacte Vert) pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Cela implique plus d’efforts et d’investissements dans les énergies renouvelables, l'efficacité énergétique et la réduction de la dépendance aux énergies fossiles.
On sera sans doute loin de la pause réglementaire dans le Green Deal suggérée par Emmanuel Macron et d’autres, alors que certains des objectifs de ce pacte avaient été hautement critiqués pendant la campagne des européennes.
Quel avenir pour l’immobilier ?
C’est d’ailleurs le Pacte Vert qui a eu énormément d’impact ces dernières années sur le secteur de l’immobilier et qui, en toute vraisemblance, continuera d’en avoir dans le futur. En effet, bien que le logement et la taxation ne soient pas des compétences directement gérées par l'UE, de nombreuses règles et normes techniques adoptées par le parlement européen influencent fortement la manière dont nous construisons, rénovons, nous logeons et vivons.
Par exemple, les successives directives européennes en matière de performance énergétique des bâtiments ont modifié les standards de construction et de rénovation au cours des deux dernières décennies. La dernière révision, proposée dans le cadre du Green Deal et adoptée il y a quelques mois avant d’être transposée en droit français d’ici mai 2026, aura un impact important sur notre secteur : une élimination progressive des chaudières à énergies fossiles d'ici 2040 ; de nouvelles normes de construction pour les nouveaux bâtiments qui devront être à zéro émission d'ici 2030 ; obligation d’installer des panneaux solaires sur tous les nouveaux bâtiments et en cas de rénovation profonde lorsque c’est techniquement et économiquement faisable ; obligations plus strictes en ce qui concerne l'installation de pré-câblage pour les infrastructures de recharge dans les bâtiments neufs et rénovés ou encore des espaces de stationnement pour les vélos. La directive propose surtout des obligations de rénover 16 % des bâtiments non résidentiels les plus énergivores d’ici 2030 et 26 % d’ici 2033. Pour le résidentiel, pas d’obligation au niveau des bâtiments, mais la directive met en place une trajectoire obligatoire pour la rénovation progressive des bâtiments résidentiels, visant à réduire la consommation d'énergie primaire moyenne du parc de 16 % d'ici 2030 et de 20-22 % d'ici 2035.
Cela peut paraître beaucoup. Mais comme nous l’expliquions l’année dernière dans ce magazine lors d’une interview sur ce sujet (référence si nécessaire), cela aurait pu être bien pire, puisque la Commission et le Parlement avaient des ambitions beaucoup plus importantes, notamment l’obligation de rénovation de tous les bâtiments classés F et G, qu’ils soient loués ou non, résidentiels ou non. Nous nous sommes énormément battus sur cette directive et nous avons beaucoup obtenu.
Les organisations environnementales et le secteur de l’industrie de la rénovation ont d’ailleurs fait part de leur frustration sur le manque d’ambition (plus que relatif à nos yeux) de ce texte. Ils se battent maintenant au niveau des États membres pour faire en sorte que lors de la transposition en droit national de cette directive, les États membres aillent plus loin. Ils n’hésiteront pas à pousser pour plus de normes dans la prochaine révision de ce texte qui devrait commencer avant la fin de cette législature.
Finalement, il est fort probable que cette nouvelle mandature européenne soit marquée par un changement dans la continuité plutôt que par de grands bouleversements d'un côté ou de l'autre de l'échiquier politique. Il est néanmoins certain que nous aurons beaucoup de travail pour continuer à promouvoir les intérêts des propriétaires européens à Bruxelles. Plus que jamais, il est important d'être actif au niveau européen comme au niveau national pour créer un environnement favorable à l'investissement immobilier et à l'accès à la propriété. Plusieurs dossiers ont déjà été annoncés, notamment une nouvelle législation sur l’amiante dans les bâtiments et un plan sur les pompes à chaleur.