Réforme du code civil : le droit de propriété moins « absolu » ?

Le CRI n°456 - Septembre 2021
Réforme du code civil : le droit de propriété moins « absolu » ?

Ce 1er septembre 2021 entre en vigueur l'importante réforme du droit des biens adoptée par la loi du 4 février 2020, intégrant un nouveau livre 3 dans le Code civil. Plusieurs auteurs ont déjà présenté, dans les Cris précédents, les modifications principales de ces nouvelles dispositions. Dans le présent article, nous nous arrêtons plus spécifiquement sur l'article 544 et le droit de propriété dont le caractère absolu se voit érodé par la réforme...

Nul n'ignore l'article 544 du Code civil qui consacre, depuis 1804, le droit de propriété dans ses prérogatives les plus larges:

« La propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ».

Depuis plusieurs années, cet absolutisme du droit de propriété a toutefois connu de multiples érosions et atteintes par la doctrine et la jurisprudence. Celles-ci sont entérinées par la réforme.

Ainsi l'article 544 sera remplacé par l'article 3.50 qui définit le droit de propriété comme suit : « Le droit de propriété confère directement au propriétaire le droit d'user de ce qui fait l'objet de son droit, d'en avoir la jouissance et d'en disposer. Le propriétaire à la plénitude des prérogatives, sous réserve des restrictions imposées par les lois, les règlements ou par les droits de tiers ».

EXIT LA NOTION D'ABSOLU...

Le législateur a totalement supprimé la référence au caractère absolu de ce droit, en voulant mettre davantage l'accent sur l'impact social du droit de propriété et l'intérêt général : davantage de restrictions au droit de propriété sont autorisées, que ce soit par les lois, règlements et par les « tiers », que ceux-ci aient ou non un lien contractuel avec le propriétaire, ouvrant ainsi un plus large champ d'application aux atteintes à la propriété.

TOLéRANCES DANS LE CHEF DU PROPRIéTAIRE

Outre certaines restrictions prévues limitant le droit d'usage et de jouissance, le nouveau Code civil consacre, en son article 3.67, trois hypothèses dans lesquelles le propriétaire devra accepter certaines tolérances sur son terrain, pour autant que cet usage ne crée pas de trouble pour ce dernier.

Présence d'animaux

« Si une chose ou un animal se trouve involontairement sur un immeuble voisin, le propriétaire de cet immeuble doit les restituer ou permettre que le propriétaire de cette chose ou de cet animal vienne les récupérer. »

Tour d'échelle

« Le propriétaire d'un immeuble doit, après notification préalable, tolérer que son voisin ait accès à ce bien immeuble si cela est nécessaire pour l'exécution de travaux de construction ou de réparation ou pour réparer ou entretenir la clôture non mitoyenne, sauf si le propriétaire fait valoir des motifs légitimes pour refuser cet accès.

Si ce droit est autorisé, il doit être exercé de la manière la moins dommageable pour le voisin. Le propriétaire a droit à une compensation s'il a subi un dommage. »

Cette prérogative, déjà connue sous le vocable de la « servitude du tour d'échelle » et visée par le Code rural, est désormais consacrée dans le Code civil.

Droit de « flâner sur un terrain vague »

« Lorsqu'un immeuble non bâti et non cultivé n'est pas clôturé, quiconque peut s'y rendre, sauf si cela engendre un dommage ou nuit au propriétaire de cette parcelle ou si ce dernier a fait savoir de manière claire que l'accès au fonds est interdit aux tiers sans son autorisation. »

La troisième tolérance insérée dans le Code civil est celle qui porte l'atteinte la plus manifeste au droit de propriété, d'autant que le législateur n'en a pas délimité les contours, permettant l'occupation par tout tiers, et non seulement les voisins, d'un terrain qui ne sera ni clôturé, ni cultivé...

Le propriétaire concerné, s'il ne souhaite pas être confronté à de telles « occupations », devra veiller à clairement interdire l'accès à son fonds.

Nul doute que ces nouvelles dispositions susciteront des débats qui ne manqueront pas d'alimenter la jurisprudence.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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