Un même chantier sur les parties communes et les parties privatives : pourquoi pas ?

Le CRI n°474 - Mai 2023
Un même chantier sur les parties communes et les parties privatives : pourquoi pas ?

Dans des Copropriétés anciennes, il est fréquent que des travaux importants doivent être entrepris.

Et les exigences liées notamment aux isolations qui s’imposeront sous peu, le justifient pleinement.

Ainsi, cette opportunité de réaliser concomitamment des travaux d’isolation dans les parties communes et les parties privatives, nous apparaît devoir être exploitée et même encouragée par les syndics.

Dans la lutte contre les déperditions énergétiques, ceux-ci peuvent avoir une mission importante.

Rappelons les règles de majorité utile pour les travaux dans les parties communes.

L’article 3.88.&1.1, b permet à l’Assemblée Générale de décider à la majorité des 2/3 des voix

« De tous travaux affectant les parties communes, à l’exception des travaux imposés par la loi et des travaux conservatoires et d’administration provisoire qui peuvent être décidés à la majorité absolue des voix des copropriétaires présents ou représentés, sans préjudicie de l’article 3.89 §5, 2° ».

Certains relèveront, notamment en ce qui concerne les travaux d’isolation, que cette majorité à obtenir est trop contraignante.

Il y a aussi souvent débat sur ce qui relève des parties communes et sur ce qui relève des parties privatives.

Certes, l’acte de base doit « logiquement » pouvoir donner la réponse.

Si tel n’est pas le cas, il faut s’en référer à la loi qui contient une règle particulière d’interprétation.

« Dans le silence ou la contradiction des titres, sont réputées communes les parties de bâtiments ou de terrains affectées à l’usage de tous les copropriétaires ou de certains d’entre eux » (Article 3.84, alinéa 3).

Il existe aussi des cas où ce qui est commun et ce qui est privatif est intimement lié.

Nous pensons notamment à la structure portante des balcons et terrasses pouvant être considérée comme commune, la partie couvrante de celle-ci (dalles par exemple) pouvant être considérée comme privative.

Pensons aussi aux châssis de fenêtres pouvant être considérés comme communs alors que le vitrage ne le serait pas. S’il est vrai que de nombreux statuts considèrent les châssis comme étant des éléments privatifs, d’autres les reprennent comme parties communes ou encore ne précisent rien, ce qui justifie l’application de la règle d’interprétation ci-dessus.

Venons-en à aborder la question liée à des travaux portant sur des éléments privatifs « proches » de ceux décidés par l’Assemblée Générale pour les parties communes.

N’est-il pas financièrement plus intéressant pour tous qu’un même entrepreneur soit choisi et réalise en une fois des travaux sur des parties communes et des travaux portant sur des parties privatives ?

La durée d’indisponibilité totale ou partielle des appartements s’en trouverait réduite mais, surtout, le coût pour la totalité des travaux devrait être moindre, notamment par une seule installation de chantier.

Enfin, dans la négociation, au vu de l’importance du contrat conclu avec cet entrepreneur, des réductions de prix pourraient être obtenues.

Notre législateur a rendu possible une telle commande groupée.

L’article 3.88 §1er. 1.d relève :

« L’Assemblée Générale décide à la majorité des 2/3 des voix…, moyennant une motivation spéciale, de l’exécution de travaux à certaines parties privatives, qui, pour des raisons techniques ou économiques, sera assurée par l’Association des Copropriétaires.

Cette décision ne modifie par la répartition des coûts de l’exécution de ces travaux entre les copropriétaires ».

Il est heureux que le législateur n’ait pas prévu une majorité plus élevée que celle requise pour les seuls travaux sur les parties communes.

Il est aussi heureux de constater qu’il n’est pas requis que, à côté des travaux communs, il soit prévu des travaux pour toutes les parties privatives.

On pourrait en effet envisager, pour reprendre l’exemple des balcons ci-dessus, que certains appartements n’ont pas de balcon et que leurs propriétaires n’ont aucun intérêt, dès lors, à une réalisation conjointe de travaux portant sur la structure des balcons (commune) mais aussi sur le revêtement qui les recouvre (privatif).

Si la majorité des 2/3 est atteinte, sous réserve des précisions relevées infra, ceux-ci ne pourront s’y opposer.

Mais ATTENTION : il importe, selon le texte légal, que l’Assemblée Générale motive « spécialement » cette exécution des travaux en relevant les raisons tant techniques qu’économiques.

Reprenons l’exemple des travaux avec châssis (qui seraient repris comme communs) et vitrages (qui seraient considérés comme privatifs).

Le type de châssis sera choisi en prenant en compte celui du vitrage.

La raison technique est évidente. La raison économique aussi.

Passer deux commandes distinctes (châssis d’un côté et vitrages de l’autre) chez deux entrepreneurs distincts serait un non-sens.

Ainsi, en Assemblée Générale, ces deux raisons (technique et économique) doivent être impérativement abordées.

Certes, le syndic n’a de mission qu’en ce qui concerne les parties communes (voir notamment notre article dans le CRI de janvier 2023 portant sur la limitation de l’intervention du syndic).

Mais celui-ci n’outrepasse pas sa mission s’il insiste sur l’intérêt réel de mener un seul chantier puisque, alors, le budget des travaux pour les parties communes (le seul qui intéresse le syndic) sera ainsi moindre.

Reste la question du financement de ces travaux.

Sur ce point, nous ne pouvons que regretter la formulation « ambigüe » de l’article 3.88 §1er 1. d.

« Cette décision d’exécuter des travaux tant sur les parties communes que sur les parties privatives ne modifie pas la répartition des coûts de l’exécution de ces travaux entre les copropriétaires ».

Certains voudraient relever que cette formulation signifierait que la facture globale (travaux communs et travaux privatifs) doit être prise en charge selon les quotités, sans avoir égard à l’importance des travaux privatifs réalisés sur certaines parties.

Une telle interprétation serait d’une totale iniquité.

Il sera repris l’exemple simplifié suivant :

« 4 copropriétaires disposent chacun de quotités à concurrence de 25/100.

Le coût des travaux communs et privatifs accepté par tous s'élève à 99.000 €, soit 90.000 € pour les travaux sur les parties communes et 9000 € pour les travaux sur la partie privative d'un copropriétaire qui a sollicité et obtenu de l'Assemblée Générale le droit d'utiliser, pour des raisons économiques, le même entrepreneur que celui pour les parties communes afin de daller son balcon.

01. Selon la thèse que voudrait retenir le copropriétaire du balcon à daller, les 99.000 €, seraient à charge de chacun des quatre copropriétaires suivant leurs quotités, soit 99.000 € x 25 / 100 = 24.750 €

02. Selon les autres copropriétaires, 90.000 € sont à charge des quatre copropriétaires, soit 90.000 x 25 / 100 = 22.500 € étant entendu que les 9000 € dus encore à l'entrepreneur et liés aux travaux exclusifs de dallage du balcon sont à charge du seul copropriétaire qui a demandé et obtenu l'autorisation de l'assemblée générale d'effectuer ces travaux qui forment un tout.

Ainsi, cette autorisation obtenue ne signifie évidemment pas que les trois autres copropriétaires ont marqué accord pour financer les travaux privatifs du quatrième … »

Il n’y aurait eu aucun doute sur cette seconde interprétation si le législateur avait été un peu plus précis.

Et si un Tribunal interprète autrement que nous ne le faisons, on pourrait même envisager alors un recours à la Cour Constitutionnelle, la question posée pouvant être la suivante :

« L’article 3.88 §1er, 1.d, en ce qui ‘il considérerait que la décision de l’exécution de travaux à certaines parties privatives doit générer des coûts à supporter par tous les copropriétaires selon leurs quotités et non par les seuls propriétaires des parties privatives en en tirant avantage, constitue-t-il une discrimination et viole-t-il les article 10 et 11 de la Constitution ? »

Nous pensons que cet article 3.88 §1er 1.d, actuellement sous-exploité, a « de beaux jours » devant lui.

Au syndic à préconiser son application lors de travaux conséquents portant notamment sur le besoin d’isolation des façades et des vitrages privatifs.

A lui aussi de veiller alors que soit bien « catalogué », dans les devis dressés, la part des travaux communs et celle des travaux à des fins privatives pour éviter des conflits ultérieurs entre copropriétaires.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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