Une assemblée générale bien menée = moins de risques de recours contre celle-ci

Le CRI n°488 - Novembre 2024
Une assemblée générale bien menée = moins de risques de recours contre celle-ci

Les Justices de Paix connaissent de plus en plus de litiges liés à des recours sur les Assemblées Générales.

La disposition reprise à l’article 3.92 §3 relève :

« Tout copropriétaire peut demander au Juge d’annuler ou des réformer une décision irrégulière, frauduleuse ou abusive de l’Assemblée Générale si elle lui cause un préjudice personnel ».

Certes, il importe de démontrer l’existence du préjudice.

Ainsi, par exemple, si une erreur au niveau du comptage des votes est dénoncée, le Tribunal pourrait soutenir que le manquement ne permet pas d’annuler la décision si, en tout état de cause, la décision, objet du vote, aurait été acquise même si l’erreur n’avait pas été commise.

Si la discussion provient de la validité des procurations, le débat est autre car c’est non pas le comptage qui est mis en cause mais le mandat même et donc le consentement d’un copropriétaire exprimé par un tiers avec possible influence sur les autres consentements. Ce n’est plus une question « arithmétique » mais une question portant sur la base du fonctionnement d’une copropriété, soit l’expression valide d’un vote qui ne peut être entaché par un vice quelconque (date ajoutée ultérieurement ou signature fabriquée, ou expression vague des points pour lesquels mandat est donné, etc.).

Aussi, il convient au syndic, en respectant scrupuleusement les textes légaux, de tout mettre en œuvre pour rendre « le procès-verbal en béton ».

Approchons quelques règles qui, selon nous, doivent principalement attirer l’attention du syndic.

En cas de division du droit de propriété

Il est évident que seule une personne, pour un droit de propriété divisé, sera convoquée et exercera le droit de participation.

Le syndic doit donc veiller, lorsqu’il est averti de cette division du droit de propriété, à ce que soit suspendu le droit de participation aux délibérations de ces copropriétaires indivis jusqu’à la désignation par eux d’une seule personne qui sera le mandataire.

Et c’est celui désigné qui sera convoqué et recevra tous les documents provenant de l’Association des Copropriétaires.

Le texte ne prévoit pas explicitement cet avertissement que le syndic doit donner aux copropriétaires indivis pour les inciter à n’en désigner qu’un.

Il ne prévoit pas non plus le délai dans lequel les intéressés doivent communiquer par écrit au syndic l’identité de leur mandataire.

On peut le regretter car, en début d’Assemblée Générale, devoir régler cette question, (alors que bien d’autres doivent encore l’être) est malaisé pour le syndic.

Quant à la date de l’Assemblée Générale

Le texte prévoit que l’A.G. ordinaire se tient « au cours de la période fixée par le Règlement Intérieur » mais aussi « chaque fois qu’une décision doit être prise d’urgence dans l’intérêt de la Copropriété ».

Certains s’étonneront peut-être de cette dernière précision alors que le syndic, en vertu de l’article 3.89 §5 est chargé « d’accomplir tous actes conservatoires et tous actes d’administration provisoire ».

Et, bien souvent, les décisions urgentes à prendre relèvent d’actes conservatoires.

Il y a donc là une difficulté d’interprétation.

Une toiture en roofing qui perce requiert incontestablement des travaux urgents.

Avec les délais (voir infra) prévus pour les Assemblées Générales, doit-on considérer qu’il importe de convoquer une Assemblée Générale ou ne peut-on pas considérer que nous rentrons dans les actes d’administration provisoire ?

Dans de tels cas, si le syndic prend la décision lui-même de commander les travaux « pour conserver » au mieux le bien, il sera prudent à tout le moins que, parallèlement, il avertisse les copropriétaires et certainement le Conseil de Copropriété de l’importance de poser ces actes conservatoires pour éviter ultérieurement toute critique à son égard.

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Quant à l’inertie du syndic à convoquer l’Assemblée Générale

La loi donne la possibilité à des copropriétaires possédant 1/5ème des parts dans les parties communes, de contraindre le syndic, après s’être adressés à lui par envoi recommandé, de prendre enfin l’initiative de la convocation qui doit intervenir dans les 30 jours de la demande des copropriétaires.

Et si le syndic ne donne pas suite à cette requête, un des copropriétaires faisant partie de ce « cinquième » peut convoquer lui-même l’Assemblée Générale.

Relevons toutefois la difficulté pour le copropriétaire entendant convoquer de le faire lui-même s’il n’a pas toutes les références utiles des copropriétaires (adresse postale ou adresse mail).

Il est en effet à craindre, si le syndic est négligent, (ce qu’il serait s’il ne prend pas lui-même l’initiative de convoquer sur demande des copropriétaires possédant au moins 1/5ème,) qu’il ne communique pas spontanément toutes les références utiles des copropriétaires nécessaires pour la convocation.

Si un des copropriétaires doit en arriver à devoir lui-même convoquer l’Assemblée Générale, il importe qu’il mette en demeure le syndic de lui communiquer la liste de tous les copropriétaires avec leurs nom, adresse (aussi adresse mail) et avec leurs quotités.

Sans cet outil, reconnaissons que cette possibilité donnée par la loi à un copropriétaire ne peut être saisie.

Et si le syndic vient à refuser une telle communication ou tarde à la communiquer, une citation en référé (caractère urgent et provisoire) peut intervenir.

Mais il est évident que dans des cas semblables, il est parfois plus efficace de choisir une autre voie prévue à l’article 3.89 §8 de la loi :

« En cas d’empêchement ou de carence du syndic, le Juge peut désigner un syndic provisoire, pour la durée qu’il détermine, à la requête d’un copropriétaire ».

Quant au formalisme à respecter pour la convocation

Une convocation « mal libellée » ou tardivement envoyée, peut générer aisément une remise en question des décisions prises.

Que doit-t-elle impérativement contenir ?

  • Le lieu, le jour et l’heure auxquels aura lieu l’Assemblée Générale.

  • L’Ordre du Jour avec le relevé des points qui seront soumis à discussion.

  • Les propositions écrites éventuelles des copropriétaires et du Conseil de Copropriété reçues au moins trois semaines avant le premier jour de la période fixée dans le Règlement d’Ordre Intérieur au cours de laquelle l’Assemblée Générale Ordinaire doit avoir lieu.

Le texte aurait pu être plus clair.

En effet, il faut différencier les points « éventuellement soumis à discussion » et ne devant pas impérativement entraîner un vote et ceux pour lesquels un vote est émis.

Un vote génère une décision et c’est la décision seule qui peut faire l’objet d’un recours.

De surcroît, la décision, comme le précise l’article 3.89 §5, oblige alors le syndic à l’exécuter et à la faire exécuter.

Rien n’empêche bien naturellement l’Assemblée Générale de « discuter » de certains points sans qu’une décision ne soit prise.

Il est sage alors, dans l’Ordre du Jour, de bien différencier ce qui est susceptible d’être décidé selon les votes précis (voir explications infra) et ce qui n’est qu’objet de discussions.

Enfin, le législateur impose que la convocation indique les modalités de consultation des documents relatifs aux points inscrits à l’Ordre du Jour.

Force est de constater que de nombreuses convocations omettent d’insérer ces modalités de consultation alors que ce point est déterminant au nom de la transparence dans les Copropriétés.

L’article 3.89 §9 relève que le syndic est chargé « de permettre aux copropriétaires d’avoir accès à tous les documents ou informations à caractère non privé relatifs à la Copropriété, de toutes les manières définies dans le Règlement d’Ordre Intérieur ou par l’Assemblée Générale ».

Mais s’il y a une lacune dans le Règlement d’Ordre Intérieur ou si l’Assemblée Générale n’a pas statué sur cette question, il n’en reste pas moins que le principe de l’accès à tous les documents à caractère non privés est déterminant et cet accès peut aussi intervenir, selon nous, à d’autres moments que ceux qui précèdent l’Assemblée Générale.

Certes, le bureau du syndic ne peut être constamment « encombré » par des copropriétaires désirant consulter.

Nous conseillons aux copropriétaires d’adresser un courrier à leur syndic l’invitant à préciser les lieu, jour et heure de sa venue en ses bureaux pour la consultation utile, et ce, lorsque le copropriétaire voudrait voir son contrôle réalisé avant même de recevoir la convocation susceptible d’indiquer les modalités de consultation.

Ce courrier doit inviter le syndic à une réponse rapide sur les modalités de ladite consultation.

Le mode de convocation à l’AG prévu par la loi est relativement souple puisque, à côté de l’envoi recommandé, il est prévu, si les destinataires l’ont accepté explicitement et par écrit, un envoi « par tout autre moyen de communication ».

Il ne pourrait être reproché au syndic un envoi à une mauvaise adresse si le copropriétaire n’a pas pris la peine de notifier sa nouvelle adresse au syndic.

Quant aux points portés à l’Ordre du Jour d’une Assemblée Générale par un ou plusieurs copropriétaires ou par le Conseil de Copropriété

Ainsi que précisé supra, ces points doivent être transmis dans un délai.

Mais le législateur a néanmoins donné une certaine « liberté » au syndic.

Si, compte-tenu de la date de réception de la demande, celui-ci vient à considérer que l’Ordre du Jour est « trop chargé », il peut alors relever que ces points peuvent être mis à l’ordre du jour de l’Assemblée Générale suivante.

C’est bien naturellement là un pouvoir quelque peu discrétionnaire laissé au syndic qui, peut-être embarrassé par l’un ou l’autre point, pourrait soutenir, dans son intérêt, qu’il serait mieux que ce point ne soit pas débattu…

Nous pensons quant à nous que la préparation de la convocation, avec les points mis à l’Ordre du Jour, pourrait se faire avec l’aide du Conseil de Copropriété, et ce afin d’éviter toute critique possible à l’égard du syndic dans le choix des points mis à l’Ordre du Jour.

Est-il normal que seul le syndic (à l’égard duquel, de surcroît, un vote de décharge doit intervenir) soit « le maître » de l’Ordre du Jour ?

Quant aux délibérations de l’Assemblée Générale

L’Assemblée Générale est présidée par un copropriétaire (et non par le syndic bien naturellement).

Dans de nombreuses Copropriétés, « on ne se bouscule pas pour le poste de Président » et il n’est pas rare que le syndic, de ce fait, parfois de manière fort habile, propose lui-même le nom d’un copropriétaire (avec lequel il existe une parfaite entente).

Or, mener des débats avec possible mise en cause de l’exécutif (qu’est le syndic) requiert une totale indépendance.

Il est donc regrettable que cette fonction déterminante ne soit pas assumée par une personne ayant, à tout le moins, toutes les apparences de la totale indépendance et qui serait susceptible d’orienter utilement le débat, ce qui se ferait avec d’autant plus de pertinence si, préalablement, il a usé de cette faculté qu’est la consultation préalable de tous les documents relatifs aux points inscrits à l’Ordre du Jour.

Pour une délibération valable de l’Assemblée Générale, il faut qu’au début de l’Assemblée Générale, plus de la moitié des copropriétaires soit présente ou représentée et qu’elle possède au moins la moitié des quotes-parts dans les parties communes.

Toutefois, elle délibère aussi valablement, si les copropriétaires présents ou représentés au début de l’Assemblée Générale, représentent plus des 3/4 des quotes-parts dans les parties communes.

Que de frais exposés avec la nécessité de convoquer une nouvelle Assemblée Générale lorsque le quorum requis n’est pas atteint...

Il y a les frais de convocation, les frais de location de la salle, les frais du syndic et aussi les désagréments pour les copropriétaires ayant pris la peine d’être présents.

Quoique le système des procurations (voir infra) ne soit pas un système idéal, il n’en reste pas moins que, par l’utilisation de celui-ci, il pourrait être évité le report de bon nombre d’Assemblées Générales.

Ne pourrait-on pas imaginer, que dans la convocation, pour pousser à une présence utile, le syndic relève que les frais de Copropriété seront immanquablement majorés à cause de ce report et qu’il est dans l’intérêt de tous de veiller à être présents dès la première A.G. ?

Prenons le tableau de synthèse de l’ouvrage d’Éric Riquier sur « la copropriété » (édition Larcier) ; les considérations suivantes, après ce tableau, étant aussi inspirées de son ouvrage complet.

Majorité

Modification aux statuts pour autant qu’elle ne concerne que la jouissance, l’usage ou l’administration des parties communes

2/3

Tous travaux affectant les parties communes, à l’exception des travaux imposés par la loi et des travaux conservatoires et d’administration provisoire, qui peuvent être décidés à la majorité absolue des voix des copropriétaires présents ou représentés

2/3

Montant des marchés et des contrats à partir duquel une mise en concurrence est obligatoire

2/3

Exécution des travaux sur certaines parties privatives qui, pour des raisons techniques ou économiques, sera assurée par l’Association des Copropriétaires

2/3

Toute autre modification aux statuts que celles visées ci-dessus, en ce compris la modification de la répartition des charges de Copropriété

4/5

Modification de la destination de l’immeuble ou d’une partie de celui-ci

4/5

Reconstruction de l’immeuble ou la remise en état de la partie endommagée en cas de destruction partielle

4/5

Acquisition de biens immobiliers destinés à devenir communs

4/5

Tous actes de disposition de biens immobiliers communs, y compris la modification des droits réels d’usage existant sur les parties communes au profit d’un seul copropriétaire

4/5

Création d’associations partielles

4/5

Division d’un lot ou réunion, totale ou partielle, de deux ou plusieurs lots

4/5

Démolition ou reconstruction totale de l’immeuble

4/5

Ne pas constituer de fonds de réserve

4/5

Modification des quotes-parts

unanimité

Dissolution de l’Association des Copropriétaires

unanimité

Toutes décisions prises sans réunion physique de l’Assemblée

unanimité

Les voix émises doivent s’entendre comme celles résultant de votes « oui » et de votes « non », les abstentions n’étant pas prises en compte.

Enfin, lorsqu’il est question d’unanimité, il s’agit de l’unanimité de tous les copropriétaires et non uniquement des copropriétaires présents et représentés.

Il faut aussi retenir que, lorsque le Règlement de Copropriété met à la charge de certains copropriétaires seulement les charges concernant une partie commune de l’immeuble ou du groupe d’immeubles, seuls ces copropriétaires prennent part aux votes à la condition que ces décisions ne portent pas atteinte à la gestion commune de la Copropriété.

Chacun d’eux vote avec un nombre de voix proportionnelles à sa quote-part dans lesdites charges (article 3.87, §6, alinéa 2).

Quant aux procurations

Est également déterminante la question de la validité des procurations, document qui permet au représentant d’un copropriétaire de participer aux délibérations.

Il est considéré que c’est au syndic qu’il reviendrait de s’assurer que la personne qui se présente comme mandataire d’un copropriétaire dispose des pouvoirs de celui-ci.

Nous ne partageons pas entièrement cette approche dans la mesure où ce contrôle doit, selon nous, à tout le moins être exercé par plusieurs personnes, éventuellement issues du Conseil de Copropriété ou encore choisies par l’Assemblée Générale.

Comme déjà rappelé supra, le syndic, qui est l’exécutif de l’Assemblée Générale, doit donner toutes les apparences d’impartialité.

N’oublions pas qu’il sera voté sur sa décharge.

Il pourrait ainsi lui être reproché d’avoir « admis » des procurations néanmoins entachées d’irrégularités parce que le vote du propriétaire absent dûment représenté lui serait favorable.

De même, nous nous méfions des procurations « en blanc » envoyées au syndic et qui laissent à celui-ci le soin de remplir la case manquante en y ajoutant un nom.

Rappelons que le mandat de l’avocat qui est un mandat « ad litem » (c’est-à-dire pour le procès) ne couvre pas sa participation de manière telle qu’il serait sage que celui-ci se fasse couvrir également par un document, sauf s’il est reconnu explicitement (ne fut-ce que par un débat judiciaire antérieur) qu’il est bien le conseil du copropriétaire absent.

La procuration n’est naturellement valable que pour une seule Assemblée Générale sauf si elle est notariée.

Si, toutefois, l’Assemblée doit être reconvoquée en raison d’un quorum insuffisant, la procuration donnée pour la première Assemblée reste valable.

La procuration peut être générale (sur tous les votes à émettre) ou spéciale (sur l’un ou l’autre point à voter).

Le nombre de procurations est limité à 3, cette limite disparaît néanmoins si la totalité des voix que cette procuration représente, ajoutée aux voix personnelles du mandataire, s’il est lui-même copropriétaire, n’excède pas 10% de l’ensemble des voix à la Copropriété (les 10% étant calculés par rapport à l’ensemble des voix de tout l’immeuble, donc au nombre total de quotités).

Il y a toutefois interdiction d’être mandataire pour le syndic et pour une personne possédant trop de mandats, nul ne pouvant prendre part aux votes, même comme mandataire, pour un nombre de voix supérieur à la somme des voix dont disposent les autres copropriétaires présents ou représentés.

Quant au caractère éventuellement abusif d’une décision prise par l’Assemblée Générale

Si l’irrégularité ou la fraude justifiant un recours dans le délai des 4 mois par rapport à une décision prise de l’Assemblée Générale ne laisse pas grande latitude au Tribunal et permet de justifier l’annulation, il n’en reste pas moins que l’approche du critère qu’est l’abus de droit restera toujours complexe.

D’après la Cour de Cassation, l’abus de droit consiste à exercer un droit d’une manière qui excède manifestement les limites de l’exercice de ce droit par une personne prudente et diligente.

Prenons le cas de copropriétaires minoritaires bloquant une prise de décision d’une Assemblée Générale portant sur des travaux importants d’isolation.

Les copropriétaires minoritaires pourraient, notamment pour des raisons financières liées à la gestion de leur patrimoine, considérer que la Copropriété peut encore « vivre » de cette façon de manière telle que la majorité des 2/3 des voix ne sera pas, de cette façon, atteinte (voir les majorités utiles supra).

Nous nous permettrons de reprendre ce que nous avions déjà développé dans un article précédent.

Reprenons l’exemple (mais pouvant se rencontrer très fréquemment), d’une résidence dans laquelle des travaux de façade et de toiture revêtent une réelle importance compte-tenu de la passoire énergétique qu’est le bâtiment et, même, des infiltrations liées à l’enveloppe du bâtiment qui est déficiente.

Les copropriétaires dont les parties privatives sont situées à l’ouest subissent davantage de désagréments lors de pluies diluviennes.

Un préjudice important est aussi subi par les propriétaires de l’étage supérieur.

Mais, lors du vote intervenu en Assemblée Générale, la résolution sur les travaux à effectuer a été rejetée par 40%.

Il manque donc « 6,66 petits pourcents » pour permettre un vote positif aux 2/3 des voix.

Les copropriétaires majoritaires (ici largement majoritaires) sont-ils alors dépourvus de tout moyen ?

Non seulement, ils peuvent invoquer l’article 3.92 §3 repris supra (demande de réformation d’une décision… abusive de l’Assemblée Générale si elle lui cause un préjudice personnel) mais aussi l’article 3.92 §8 qui prévoit en effet un tel cas :

« Lorsqu’une minorité de copropriétaires empêche abusivement l’Assemblée Générale de prendre une décision à la majorité requise par la loi, tout copropriétaire lésé peut également s’adresser au Juge, afin que celui-ci substitue à l’Assemblée Générale et prenne à sa place la décision requise ».

Voilà le Juge de Paix « au centre du débat » appelé à apprécier si les « opposants » ont empêché abusivement l’Assemblée Générale de prendre une décision à la majorité requise par la loi.

Dans l’exemple précité, les opposants pourraient justifier le fait que leurs revenus ne leur permettent pas de financer de tels travaux et que, de surcroît, en votant de la sorte, ils n’ont « aucune intention de nuire ».

Le débat va nécessairement porter sur le fait qu’il n’y a pas, chez les minoritaires, intention de nuire aux autres copropriétaires et que, partant, il n’y a pas abus d’exercer son droit.

Est-ce là une approche qu’un Juge de Paix peut retenir ?

Dans un Arrêt prononcé par la Cour de Cassation le 25 avril 2022, il est considéré que l’on peut conclure à l’existence d’un abus de droit même si son titulaire n’a pas l’intention de nuire.

Ainsi, « cette intention de nuire » n’est pas une condition nécessaire pour voir reconnue cette théorie.

D’après la Cour de Cassation, « l’abus de droit consiste à exercer un droit d’une manière qui excède manifestement les limites de l’exercice de ce droit par une personne prudente et diligente ».

Et, au départ de cette définition et au gré des décisions, la doctrine et la jurisprudence (voir Obligations, contrats et responsabilités, 2022, n°135 Lauriane Malhaize) ont distingué plusieurs situations constitutives d’un abus de droit :

  • « lorsque l’exercice du droit cause au cocontractant (ici aux autres copropriétaires), sans intérêt ou motif légitime, un préjudice que l’on aurait pu éviter ;

  • lorsque le préjudice causé est sans proportion avec l’avantage recherché ou obtenu par le titulaire du droit ;

  • lorsqu’entre plusieurs manières d’exercer le droit, le titulaire choisit la plus dommageable pour le cocontractant (ici le copropriétaire) sans que ce choix ne soit justifié par un intérêt suffisant ;

  • et enfin lorsque le titulaire du droit agit dans l’intention exclusive de nuire au cocontractant » (mais, comme précisé supra, il ne s’agit pas d’une condition nécessaire). »

Il s’agit de faire la balance des intérêts en présence.

Même si en l’espèce, il ne s’agit pas de rentrer dans la théorie des troubles de voisinage, il n’en reste pas moins qu’il nous semble intéressant de faire un parallélisme avec cette théorie.

L’article 3.101 de notre nouveau Code Civil relève, en son paragraphe 1er :

« Les propriétaires voisins ont chacun droit à l’usage et la jouissance de leur bien immeuble. Dans l’exercice de l’usage et de la jouissance, chacun d’eux respecte l’équilibre établi en ne causant pas à son voisin un trouble qui excède la mesure des inconvénients normaux du voisinage qui lui est imputable.

Pour apprécier le caractère excessif du trouble, il est tenu compte de toutes les circonstances de l’espèce, tels le moment, la fréquence et l’intensité du trouble, la préoccupation ou la destination publique du bien immeuble d’où le trouble causé provient ».

Le législateur a parlé, dans cette théorie, d’équilibre.

Et nous pensons que c’est ce concept qui, en l’espèce, devrait orienter la décision du Tribunal.

Dans l’exemple donné, il manquait 6,66%... pour arriver à la majorité nécessaire.

De surcroît, ne peut-on pas aussi mettre en avant, pour des travaux à réaliser, un « intérêt sociétal » en relation avec la lutte contre les déperditions énergétiques ?

Certes, à nouveau en cette matière, le pouvoir discrétionnaire du magistrat est important, lui qui, selon le texte légal, peut se substituer à l’Assemblée Générale et prendre à sa place la décision requise.

L’Assemblée Générale perd donc de sa souveraineté pour, dans ce cas, permettre au Juge de Paix d’arbitrer.

En conclusion : nécessité d’un procès-verbal complet et précis

C’est le syndic qui dresse le procès-verbal (article 3.87, §10) mais celui-ci doit bien naturellement refléter exactement tous les éléments essentiels à la tenue et au déroulement de l’Assemblée.

La personne qui a rédigé le procès-verbal est responsable des conséquences dommageables éventuelles pour la Copropriété, consécutifs à l’annulation de ces décisions.

Il importe, selon la loi, que soient mentionnées les décisions qui ont été prises par l’Assemblée, les majorités atteintes et le nom des copropriétaires qui ont voté contre ou qui se sont abstenus.

Le but est de vérifier le calcul de la majorité mais outre ces exigences légales, il importe que d’autres informations utiles figurent dans ce PV :

  • L’indication du lieu où l’Assemblée s’est réunie, de la date et de l’heure à laquelle la séance est ouverte ;

  • L’indication de l’identité des personnes présentes ;

  • La composition du bureau ;

  • L’indication des quotités présentes et représentées et des procurations. (Ce dernier point est déterminant pour un contrôle ultérieur) ;

  • L’indication du quorum atteint ;

  • L’énumération des points de l’Ordre du Jour ;

  • Le compte-rendu des débats. Reprenons l’exemple ci-avant explicité portant sur un blocage par une minorité pour des travaux à réaliser. Afin de juger du caractère éventuellement abusif de cette décision de rejet portant sur des travaux, il importe, si le Juge est saisi d’un recours, qu’il puisse être éclairé par le compte-rendu des débats sur le caractère ou non abusif de la décision rendue. Ainsi, un condensé des échanges présenté de manière objective pourra éclairer utilement le Tribunal en cas de recours ;

  • L’indication des incidents de la séance. Comme précisé dans l’ouvrage déjà précité (La Copropriété, les Droits et Devoirs du Copropriétaires et du Syndic et de la Copropriété, Ed. Larcier), il importe que ces points, pour ultérieurement éclairer s’il échet un Tribunal, soient présentés (mais toujours de manière objective) ;

  • L’indication de l’heure à laquelle la séance est levée ;

  • Les signatures du PV par le Président, le secrétaire désigné lors de l’ouverture de la séance et tous les copropriétaires encore présents à ce moment ou leur mandataire. L’obligation de la signature ne s’impose que pour le Président et le secrétaire mais celle des copropriétaires et mandataires renforce encore davantage la valeur probante de celui-ci ;

  • Les annexes (constituées notamment par les procurations, les bulletins de vote, les feuilles de présence).

ATTENTION : le procès-verbal doit être rédigé séance tenante, même si la version au net pourrait être faite ultérieurement.

Le seul document qui fait foi est celui rédigé en séance.

Un syndic organisé veillera même à ce que le texte définitif sorte de son imprimante dont il se munira à l’A.G.

Ainsi, si nécessaire, il est démontré la difficulté de la tenue d'une A.G au vu des contraintes qu'elle entraîne.

Rien n'empêche le syndic de préparer utilement l’A.G par la rédaction d’un canevas reprenant, sur le PV à rédiger, les points mis à l'ordre du jour.

Il pourrait laisser un espace suffisant entre chaque point abordé, cet espace étant rempli alors par la décision prise ou, s'il s'agit d'une simple discussion, par un résumé de celle-ci.

Toujours soucieux d'être pratique, nous pourrions aussi conseiller qu'avant d'aborder le point suivant de l'ordre du jour, le syndic veille, à chaque fois, à lire à l’AG la synthèse sur le point abordé qu'il retranscrit dans le PV.

L'expérience montre que la lecture, en une fois, en fin de séance, de tous les points insérés dans le procès-verbal apparaît fastidieuse pour tous, surtout lorsque l’assemblée générale se termine à une heure tardive…

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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