"Entrer en copropriété" ...que d’inconnues !

Le CRI n°498 - Novembre 2025
"Entrer en copropriété" ...que d’inconnues !

Bon nombre de personnes, avant de faire le pas d' "entrer en Copropriété", hésitent et se posent légitimement de très nombreuses questions.

Nous vous proposons d’en épingler 10.

Lors de la conférence que nous donnerons au Salon de la Copropriété le 20 novembre 2025 à 12 heures, nous ne manquerons pas de répondre éventuellement à d’autres questions qui émaneraient de l’assistance.

1. A quelles charges de Copropriété dois-je m’attendre ?

Conscient du caractère essentiel de cette question, le législateur a prévu que le copropriétaire acquéreur soit utilement documenté.

C’est l’objet de l’article 3.94 portant sur les informations aux copropriétaires données soit par l’intermédiaire d’un professionnel, soit par le copropriétaire sortant.

Reprenons ces informations :

  • Le montant du fonds de roulement et du fonds de réserve ;

  • Le montant des arriérés éventuels dus par le copropriétaire sortant (en ce compris les frais de récupération judiciaire ou extrajudiciaire ainsi que les frais de transmission des informations requises) ;

  • La situation des appels de fonds destinés au fonds de réserve et décidés par l’Assemblée Générale avant la date certaine du transfert de la propriété ;

  • Le cas échéant, le relevé des procédures judiciaires en cours relatives à la Copropriété et des montants en jeu ;

  • Les procès-verbaux des Assemblées Générales Ordinaires et Extraordinaires des 3 dernières années, ainsi que le décompte périodique des charges des deux dernières années ;

  • Une copie du dernier bilan approuvé par l‘Assemblée Générale de l’Association des Copropriétaires.

Il est aussi prévu que le notaire demande au syndic de l’A.C.P. de lui transmettre les informations et documents avec l’actualisation des informations visées supra.

Le terme « actualisation » est important afin de ne pas être surpris par une dépense nouvelle qui n’apparaîtrait pas dans les documents précédents.

Il est aussi prévu la transmission :

  • Du montant de départ de conservation, d’entretien, de réparation et de réfection décidé par l’Assemblée Générale ou le syndic avant la date certaine du transfert de la propriété mais dont le paiement est demandé par le syndic postérieurement à cette date ;

  • Un état des appels de fonds approuvé par l’Assemblée Générale des Copropriétaires avant la date certaine du transfert de copropriété et le coût des travaux urgents dont le paiement est demandé par le syndic postérieurement à cette date ;

  • Un état des frais liés à l’acquisition de parties communes décidés par l’Assemblée Générale avant la date certaine du transfert de la propriété mais dont le paiement est demandé par le syndic postérieurement à cette date ;

  • Un état des dettes certaines dues par l’Association des Copropriétaires à la suite de litiges nés avant la date certaine du transfert de la propriété mais dont le paiement est demandé par le syndic postérieurement à cette date.

Tous ces documents doivent être transmis par le notaire aux copropriétaires entrants.

En épluchant ces documents, l’état de « la santé financière » de la copropriété, à la date de l’examen, pourra ainsi être connu.

2. Cet éclairage avec les nombreux documents ainsi repris est-il suffisant ?

Il nous semble qu’une information complémentaire, déjà à ce stade, pourrait être utile :

Prenons le cas de BRUXELLES où chaque logement d’une Copropriété doit atteindre certains objectifs de performance énergétique avec une coresponsabilité de l’Association des Copropriétaires pour les parties communes.

BRUXELLES vise la neutralité carbone d’ici 2050. En 2025, le certificat PEB est obligatoire pour les parties communes de toutes les Copropriétés. Et l’Association des Copropriétaires doit désigner un expert PEB agréé pour établir le certificat.

Celui-ci doit analyser :

  • L’isolation thermique ;

  • Les installations de chauffage collectif ;

  • La ventilation ;

  • Les systèmes électriques.

En 2033, les logements classés F et G seront interdits d’usage. En 2045, tous devront atteindre au minimum un PEB C+ (environ 275 Kwh/m² - par an).

On sera vite en 2033 !

Et les travaux sur les parties communes, comme l’isolation du toit, sont souvent nécessaires. Ils doivent être décidés et financés par l’Association des Copropriétaires en Assemblée Générale. Il est donc important que les copropriétaires soient éclairés sur les travaux qui seront à entreprendre.

Il convient donc qu’ils puissent être mis en possession de ce certificat délivré par l’expert PEB agréé afin de savoir, fut-ce de manière approximative, l’importance des montants qu’ils devront décaisser.

3. Comment constituer un fonds de réserve ?

En prévision des investissements futurs importants, comment, une fois rentré dans la Copropriété, puis-je insister pour constituer un fonds permettant le financement de ceux-ci ?

L’article 3.86 §3, 4ème alinéa, précise : « L’Association des Copropriétaires doit constituer au plus tard, à l’issue d’une période de 5 ans, suivant la date de la réception provisoire des parties communes de l’immeuble, un fonds de réserve dont la contribution annuelle ne peut être inférieure à 5% de la totalité des charges communes ordinaires de l’exercice précédent.
L’Association des Copropriétaires peut décider à une majorité de 4/5ème des voix de ne pas constituer ce fonds de réserve obligatoire ».

Rappelons ce qu’on entend par « fonds de réserve » : la somme des apports de fonds périodiques destinés à faire face à des dépenses non périodiques, telles que celles occasionnées par le renouvellement du système de chauffage, la réparation ou le renouvellement d’un ascenseur ou la pose d’une nouvelle chape de toiture.

Le législateur pourrait maintenant ajouter les travaux requis pour obtention du PEB exigé.

Il a été prévu que la contribution annuelle ne puisse être inférieure à 5% de la totalité des charges communes ordinaires de l’exercice précédent.

Mais rien n’empêcherait, en vue des dépenses futures, de prévoir, après un vote, une affectation annuelle plus importante pour la constitution de ce fonds de réserve.

Le copropriétaire entrant peut donc, après examen de la spécificité du bien, veiller à ce que soit mis à l’Ordre du Jour, cette contribution annuelle plus importante.

4. Troubles de jouissance avec les voisins

Comment puis-je avoir l’assurance que je pourrai vivre « tranquillement » dans la Copropriété sans troubles de jouissance liés au mode d’occupation de mes voisins ?

Cette question est importante mais aucune réponse certaine ne peut être donnée.

En effet, même si au moment de l’achat, tout apparaît se présenter harmonieusement, la présence d’un Copropriétaire indélicat achetant ultérieurement peut perturber cette tranquillité.

Il sera rappelé que le rôle du syndic dans la gestion de ces problèmes est assez limité.

Le syndic est le gardien des parties communes. Ainsi, par exemple, si le trouble provient de musiques tonitruantes en provenance d’un appartement, dérangeant le copropriétaire du dessus ou du dessous, il s’agit d’un litige en provenance de parties privatives.

Certes, en se renseignant avant achat sur l’étanchéité au bruit (dépendant souvent de la construction), on peut être éclairé sur les risques existants mais une inconnue subsistera toujours dans l’avenir.

L’impact du bruit sur la santé est important.

Selon les statistiques existantes, en région de Bruxelles-Capitale, la part de ménages habitant en immeubles à appartements dépasse 70% et ces bâtiments (donc près des 2/3 d’avant 1945) sont loin d’être tous conçus de manière optimale face au bruit.

Les raisons sont multiples :

  • L’arrivée tardive d’un cadre normatif pour l’intégration de l’acoustique dans la construction (norme nationale S01/400/1) ;

  • La modification des typologies (conversion de maisons de maître en plusieurs logements qui n’étaient pas initialement conçus pour séparer les familles) ;

  • Une mauvaise conception de base du bâtiment (immeuble de logements bon marché des années 1950 et suivantes avant l’existence des premières normes acoustiques en 1977) ;

  • Une transformation intérieure ayant dégradé la situation (notamment équipement, source de vibration) ;

  • Etc.

Certes, la théorie des troubles de voisinage est souvent invoquée dans de tels cas mais mener une action judiciaire contre son voisin aux côtés duquel on est appelé à vivre encore de longues années, n’est pas la voie idéale.

Il y a certes la médiation mais encore faut-il que le voisin soit de bonne composition.

Ainsi, nous pouvons affirmer qu’il s’agit là d’une inconnue dont la maîtrise absolue est impossible.

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5. Pourrais-je profiter des travaux programmés par l’Association des Copropriétaires sur les parties communes pour réaliser, avec le même entrepreneur, des travaux sur mes parties privatives en profitant du chantier ouvert ?

L’article 3.88 §1er d donne à l’Assemblée Générale la possibilité de décider à la majorité des 2/3 des voix :

« Moyennant une motivation spéciale, de l’exécution de travaux à certaines parties privatives qui, pour des raisons techniques ou économiques, sera assurée par l’Association des Copropriétaires.
Cette décision ne modifie pas la répartition des coûts de l’exécution de ces travaux entre les copropriétaires ».

Pour nous, cette piste n’est pas suffisamment exploitée alors que l’intégration entre parties communes et parties privatives (pensons aux châssis, aux balcons, etc.) est souvent importante et que de plus, pour améliorer « un ensemble » et diminuer les coûts, il est indiqué qu’un chantier puisse aussi être utile à un copropriétaire.

Evidemment, celui-ci devra acquitter les coûts en relation directe avec l’amélioration de ces parties privatives.

6. Puis-je compenser une créance que j’aurais à l’égard de l’ACP avec une dette de charges ?

Si un dommage survient à mon appartement (par exemple parquet abîmé suite à une infiltration en provenance d’une partie commune) puis-je alors, dans l’attente de l’indemnisation pour réaliser les travaux, surseoir au paiement des charges de Copropriété afin d’exercer une pression légitime ?

Puis-je alors compenser ce que je devrais comme charges à ce que la Copropriété, responsable des parties communes, doit me payer ?

La réponse est négative.

Les obligations des copropriétaires, en ce qu’elles portent sur le paiement des charges suivant les quotités, sont régies par les statuts de l’immeuble et par la loi et présentent dès lors un caractère institutionnel ou réglementaire qui s’impose à tous les copropriétaires.

L’exception d’inexécution (ne pas payer de charges parce que la Copropriété tarde à réaliser les travaux utiles mettant fin à l’infiltration ou parce qu’elle doit payer une indemnisation pour les dommages survenus) ne s’applique pas dans le cadre institutionnel et règlementaire existant. Elle s’applique exclusivement dans le cadre d’un contrat synallagmatique avec le droit qu’a chaque partie de refuser d’exécuter totalement ou partiellement l’obligation à laquelle elle est tenue, tant qu’elle n’a pas reçu la prestation qui lui est due.

Enfin, la compensation, qui est le corollaire du mécanisme de l’exception d’inexécution requiert la réunion de plusieurs conditions (dettes réciproques entre parties agissant en la même qualité, pour des dettes fongibles, liquides et exigibles), lesquelles ne sont pas réunies.

7. Comptable de formation ou aimant bien « les chiffres », je voudrais m’impliquer dans la gestion des comptes et surveiller les écritures bancaires de la Copropriété. Comment faire ?

L’article 3.90 régit la compétence du Conseil de Copropriété obligatoire dans tout immeuble ou groupes d’immeubles d’au moins 20 lots (à l’exclusion des caves, garages et parkings), lequel doit être constitué par la première Assemblée Générale.

Il peut donc être utile de se faire élire pour exercer un mandat au sein du Conseil de Copropriété afin de veiller non seulement à la bonne exécution par le syndic de ses missions mais aussi, comme précisé au paragraphe 4 de cet article, pour prendre connaissance et copie de toutes pièces ou documents se rapportant à la gestion du syndic ou intéressant la Copropriété.

Relevons que le Conseil de Copropriété peut recevoir toute autre mission sur décision de l’Assemblée Générale prise à une majorité de 2/3.

Mais cette mission ne peut être valable que pour une année et sur des actes expressément déterminés.

8. L’appartement étant acquis avec mes enfants qui sont repris comme nus–propriétaires (et moi usufruitier), puis-je veiller à ce qu’un de ceux-ci soit autorisé à participer et voter aux Assemblées Générales, d’autant plus que je suis fréquemment à l’étranger ?

L’article 3.87 §2 le permet mais il importe de désigner la personne qui sera le mandataire lorsqu’il y a une division du droit de propriété.

Il faut communiquer par écrit au syndic l’identité de ce mandataire appelé à participer aux délibérations de l’Assemblée Générale.

9. Rien n’ayant été convenu entre mes enfants nus-propriétaires et moi, usufruitier, qui doit payer quoi dans les charges ?

Rappelons que le nu-propriétaire doit assumer les grosses réparations structurelles, par exemple, les coûts liés à l’assainissement ou à la réparation de la façade comme les fondations, les murs et la toiture.

L’usufruitier doit, quant à lui, notamment entretenir et assurer le bien mais les deux parties peuvent s’accorder sur une répartition différente des coûts.

Attention toutefois : à l’égard de la Copropriété, tant l’usufruitier que le nu-propriétaire sont tenus solidairement du paiement de ces charges en manière telle que, s’il y a désaccord entre nu-propriétaire et usufruitier, ce désaccord n’empêche pas le syndic d’agir judiciairement en récupération contre les deux pour la totalité de la créance.

10. L’acte de base et le Règlement de Copropriété ne sont pas « clairs » sur le statut de certaines parties privatives du bien.

En cas de doute, comment alors vider la question ?

L’article 3.84, en son paragraphe 3, intègre une règle d’interprétation pouvant être considérée comme une « présomption de parties communes » lorsque les termes des statuts présentent une certaine ambiguïté.

Ainsi est-il inscrit : « Dans le silence ou la contradiction des titres, sont réputées communes les parties de bâtiments ou de terrains affectées l’usage de tous les copropriétaires ou de certains d’entre eux ».

Cette règle d’interprétation est bien naturellement essentielle lorsqu’il y a des travaux à entreprendre sur certaines parties pour lesquelles il existe un doute.

Conclusion

La vie en Copropriété restera toujours « une aventure ».

Il ne s’agit pas de décourager les copropriétaires qui bénéficient de nombreux avantages par ce choix ainsi posé.

Citons à titre exemplatif : un souci moindre dans la gestion (confiée pour de nombreux points à un syndic), un bon positionnement dans une ville, une proximité de moyens de locomotions publics et de centres commerciaux, une absence de jardin à entretenir, un sentiment de plus grande sécurité, etc.

Mais, pour préparer ce choix, avant d'« entrer en Copropriété » il faut être éclairé utilement et connaître aussi les rouages de la loi.

C’est le rôle de notre syndicat de vous assister.

Nous le faisons par nos articles mais aussi par les conférences organisées dont celles prévues au Salon de la Copropriété le 20.11.2025 à Bruxelles Expo ( à 12h et à 15h30)

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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