Quelques sujets brûlants de copropriétés (suite)

Le CRI n°461 - Février 2022
Quelques sujets brûlants de copropriétés (suite)

Avant de poursuivre notre étude sur divers points litigieux, nous croyons utile, au vu de questions posées par nos affiliés, de revenir sur la question du respect des règles par les locataires.

La Copropriété, dans son désir légitime de vivre harmonieusement sans subir de trouble en lien avec l’incivilité des occupants locataires, ne doit pas oublier que, pour que les règles fixées soient opposables à ceux-ci et pour que, en cas de litige, il puisse être mis en avant le non-respect de celles-ci, il importe que les locataires en aient officiellement connaissance.

Inutile de prévoir, par exemple, l’obligation de fermeture à clé de la porte principale de l’immeuble à partir de 21 heures ou l’interdiction de l’obstruction de l’entrée par des poussettes ou vélos, ou, dans les communs, une discrétion de bon aloi avec le respect d’une norme sonore acceptable, s’il ne peut être brandi légalement, à l’égard des occupants locataires, la nécessité de respecter ces règles.

L’article 3.93 du nouveau livre III du Code Civil, relatif à l’opposabilité des règles aux occupants doit être respecté.

En ce qui concerne les règles reprises dans l’acte de base ou le règlement de Copropriété, aucune difficulté n’existe puisqu’elles sont censées être connues par tous, suite à la transcription de celles-ci dans les registres du bureau compétent de l’Administration Générale de la Documentation Patrimoniale.

Ainsi, ces règles s’imposent-elles tant aux copropriétaires qu’aux locataires et à toutes les personnes occupant l’immeuble en vertu d’un droit personnel (article 3.93 §5).

Mais il n’en est pas de même pour les règles « de bonne conduite » qui découlent, elles, du Règlement d’Ordre Intérieur et des décisions de l’Assemblée Générale.

Lorsque le copropriétaire loue son bien, il importe donc qu’il communique à son locataire le Règlement d’Ordre Intérieur et les dispositions telles qu’elles découlent du registre des décisions de l’Assemblée Générale.

Et si ces dispositions du Règlement d’Ordre Intérieur et des décisions de l’Assemblée Générale ont été prises par la Copropriété après la conclusion du contrat de bail, le bailleur doit, de manière officielle, avertir son locataire.

Comment l’avertir ?

« En ce qui concerne les dispositions et décisions adoptées postérieurement à la constitution d’un droit réel ou personnel sur un lot (c’est-à-dire, notamment, après la conclusion d’un contrat de bail) par la communication qui lui en est faite, par envoi recommandé dans les 30 jours suivant la date de réception du procès-verbal, à l’initiative de celui qui a reçu ce procès-verbal en application de l’article 3.87 §12 ». (voir art.3.93§5,2°)

En bref, cela signifie que le copropriétaire doit « répercuter » sur son locataire les décisions de l’Assemblée Générale, notamment celles portant sur le mode d’occupation des lieux communs.

Et cette répercussion doit se faire d’une manière officielle, dans un délai fixe.

Dans son ouvrage (La Copropriété, les droits et devoirs du copropriétaire, du syndic et de la Copropriété, 2ème Edition), Eric RIQUIER, son auteur, relève ce qui suit :

« Le bailleur est responsable des conséquences de l’absence de notification à son locataire des dispositions du Règlement d’Ordre Intérieur et des décisions de l’Assemblée Générale.
Or, ces conséquences, c’est le dommage que subiront la Copropriété et les autres occupants de l’immeuble du fait que le locataire, en question, ne respecterait pas les dispositions et décisions concernées.
Il est donc prudent (c’est nous qui soulignons) d’insérer dans le bail un article spécifique ».

Nous proposons le modèle suivant :

"Le preneur s’engage à respecter, pour ce qu’elles le concernent, les dispositions des statuts et du Règlement d’Ordre Intérieur.
Le Règlement d’Ordre Intérieur peut être consulté sans frais dans l’immeuble.
Si, pour quelque raison, le preneur ne parvenait pas à en prendre connaissance, il en aviserait le bailleur aussitôt.
Le preneur s’engage par ailleurs à se tenir informé auprès du syndic des éventuelles adaptations du règlement ».

L’auteur poursuit : « S’agissant des décisions de l’Assemblée Générale, le bailleur veillera à les notifier au locataire si elle le concerne ».

Quant à la problématique des terrasses :

Nous aborderons les 3 questions suivantes :

  1. Les terrasses sont-elles privatives ou communes ?

  2. La réparation de celles-ci, en cas de démembrement du droit de propriété entre usufruitier ou nu-propriétaire, incombe-elle à l’un ou à l’autre ?

  3. Une terrasse considérée comme commune peut-elle être affectée à un usage privatif ?

Caractère privatif ou commun de la terrasse :

Force est de constater que de nombreux actes de base contiennent des clauses obscures, même parfois contradictoires (surtout dans les anciens actes de base), ce qui génère alors des difficultés d’interprétation qu’il appartient au Tribunal de trancher.

Et une interprétation, dans le sens du caractère commun ou privatif, peut avoir des conséquences importantes dans deux situations distinctes, l’une portant sur le support des réparations pouvant s’imposer et l’autre portant sur le support du dommage subi par le copropriétaire de l’étage inférieur en cas d’infiltration

L’article 3.84 du nouveau Livre III du Code Civil prévoit ce qui suit :

« Dans le silence ou la contradiction des titres, sont réputées communes les parties de bâtiment ou de terrain affectées à l’usage de tous les copropriétaires ou de certains d’entre eux ».

Il n’est donc pas requis que la terrasse soit à l’usage de tous pour qu’elle puisse être considérée comme commune.

La doctrine enseigne à ce sujet que :

« Les balcons et terrasses ainsi que les accessoires (garde-corps, balustrade) sans distinction aucune, étant des éléments de la façade, sont communs… » (P. VANDEN EYNDE, « Annexes, Acte de base – statuts de la Copropriété avec sous-indivision, JURIM. Pratique 2011, p. 403 et 404).

Cette question est souvent débattue lorsque le propriétaire de l’étage supérieur bénéficie seul d’une terrasse qui peut aussi, en même temps, être la toiture de l’élément commun.

Il faut considérer, quand bien même ce propriétaire bénéficie d’un avantage non négligeable, que cette terrasse-toiture est une partie commune dont l’Association des Copropriétaires assure la garde (article 1384 du Code Civil).

Tout au plus, le carrelage sur ladite terrasse pourrait être considéré comme étant privatif en cas de doute, mais non la structure en béton de celle-ci servant de toiture pour l’immeuble.

Qui du copropriétaire ou de l’usufruitier devra participer aux frais de réfection de cette terrasse ?

L’ancien article 606 du Code Civil a été grandement adapté et est devenu l’article 3.154 portant sur les grosses réparations :

« Les grosses réparations sont celles qui portent sur la structure du bien ou de ses composantes inhérentes ou dont le coût excède manifestement les fruits du bien.

§2. Le nu-propriétaire doit exécuter ces réparations après concertation avec l’usufruitier.
Ce dernier ne peut prétendre à une indemnité pour troubles de jouissance.
Par dérogation à l’alinéa 1er, le nu-propriétaire n’est pas tenu des grosses réparations qui portent sur les ouvrages et plantations réalisés par l’usufruitier lui-même, ni des réparations qui sont causées, exclusivement, par l’usufruitier.

§3. Le nu-propriétaire qui exécute les grosses réparations peut exiger de l’usufruitier qu’il contribue proportionnellement aux frais de celles-ci.
Cette contribution est déterminée en fonction de la valeur du droit d’usufruit par rapport à la valeur de la pleine propriété, calculée conformément à l’article 745 sexies, §3, de l’ancien Code Civil ».

Appliquons ces dispositions légales aux droits de la Copropriété.

Le syndic, lorsqu’il répartira les frais de réparation selon les quotités entre les copropriétaires, n’ignorera pas les nouvelles dispositions qui, d’ailleurs, lui facilitent grandement la tâche.

Il est maintenant reconnu la solidarité entre l’usufruitier et le nu-propriétaire de manière telle que, si un différend venait à naître entre ces deux parties, la Copropriété n’en sera pas préjudiciée puisqu’elle peut réclamer la totalité de sa créance à l’un comme à l’autre.

L’article 3.86 § 3 dernier alinéa consacre cette solidarité.

Mais dans le cadre de la contribution à la dette, le débat peut encore exister entre ces deux parties.

Avant même l’introduction de l’article 3.154 nouveau, la Cour de Cassation, le 22 janvier 1970, définissait les grosses réparations comme « les gros travaux de rétablissement et de reconstruction, ayant pour objet la solidité générale et la conservation du bâtiment dans son ensemble, qui revêt un caractère de réelle exception dans l’existence même de la propriété et dont les frais requièrent normalement un prélèvement sur le capital » (voir également J.P. LIEGE, 2ème canton, 16.10.2020, Revue Copropriété Droit Immobilier, 2021/4).

Quant à l’affectation à usage privatif d’une terrasse commune.

Il est évident que la terrasse accessible exclusivement par une partie privative, bien que considérée dans sa structure comme commune, ne peut être utilisée par des copropriétaires devant traverser ces parties pour jouir de la terrasse…

Il y aurait là une atteinte évidente aux droits de la propriété sur ces parties privatives.

Mais le débat peut naître lorsque cette terrasse, susceptible d’être utilisée exclusivement par un copropriétaire, est accessible par des parties communes ou lorsqu’un copropriétaire, disposant d’une terrasse à usage privatif, entend étendre celle-ci, par exemple, en prolongation de son lot.

Une décision s’impose et doit être prise par l’Assemblée Générale, à la majorité des 4/5èmes des voix et ce sur base de l’article 3.88 §1er 2. prévoyant une majorité des 4/5èmes des voix pour « tous actes de disposition de biens immobiliers communs, y compris la modification des droits réels d’usage existant sur les parties communes au profit d’un seul copropriétaire, à condition que cela soit motivé par l’intérêt légitime de l’Association des Copropriétaires, le cas échéant contre le paiement d’une indemnité proportionnelle du dommage que cela pourrait causer ».

Il s’agit bien naturellement d’une majorité « difficile à atteindre ».

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Et, en cas de recours introduit, il appartiendra au Tribunal de voir si cet usage d’une partie commune est réellement préjudiciable à la Copropriété.

Le texte parle de la motivation d’un intérêt légitime de l’Association des Copropriétaires…

Sauf indemnité intéressante pour celle-ci, on voit difficilement l’intérêt que pourrait avoir une Association des Copropriétaires à ne plus disposer d’une partie commune, à moins que celle-ci requière un entretien.

Nous pensons, quant à nous, qu’un Tribunal saisi d’un recours d’un copropriétaire auquel il est refusé l’usage d’une partie commune (telle une terrasse) appréciera plutôt la théorie de l’abus de droit afin de « peser » les intérêts en présence.

Et, dans l’approche de ces intérêts, il ne faut pas prendre en compte l’éventuelle autorisation urbanistique qui aurait été délivrée pour une extension de la terrasse dans la mesure où, bien naturellement, l’Assemblée Générale n’est pas liée par une décision d’un tiers.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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