Tout comprendre à l’assurance responsabilité civile locative

Le CRI n°480 - Janvier 2024
Tout comprendre à l’assurance responsabilité civile locative

Il est indéniable qu’un accident peut survenir à tout moment, qu’il s’agisse d’une simple bougie oubliée ou d’une fenêtre mal fermée, entrainant potentiellement des dommages considérables.

Etant donné que les coûts de réparation pour de tels dommages sont souvent conséquents, il est impératif que votre locataire soit couvert par une assurance responsabilité civile locative. Cette assurance couvre sa responsabilité en cas de dommages causés au bâtiment par sa faute ou sa négligence.

Mais un locataire est-il réellement contraint de souscrire une assurance responsabilité civile locative ?

En matière de bail d’habitation, la réponse va dépendre de la Région où se situe l’immeuble.

Puisqu’en Belgique nous aimons faire dans le compliqué, la réglementation diffère en Région Wallonne et en Région Bruxelloise.

Seule la Région Wallonne décide d’imposer au locataire de souscrire cette assurance conformément à l’article 17 du décret du 15 mars 2018 relatif au bail d’habitation. Ce dernier spécifie d’ailleurs que le locataire doit souscrire cette assurance avant son entrée dans les lieux et apporter annuellement la preuve au bailleur du paiement des primes.

En revanche, à Bruxelles, pour l’instant (mais un avant-projet d’ordonnance reformant la législation sur le bail envisage l’adoption d’une mesure analogue à ce qui existe en Région wallonne), aucune obligation n’impose au locataire de souscrire une telle assurance. Le Code bruxellois du logement ne dit en effet aucun mot à ce sujet.

Pour pallier ce manquement, il est donc très important que le bailleur fasse preuve de vigilance et insère, dans son contrat de bail, une clause contraignant le locataire à souscrire une assurance responsabilité civile locative.

A défaut, le locataire ne sera aucunement contraint de contracter cette assurance.

Si, au niveau du principe, cela ne change rien à la responsabilité du locataire, cela peut devenir très problématique si, dans les faits, il est incapable financièrement d’indemniser le bailleur pour les dégâts causés au bâtiment.

Un bailleur prudent et diligent aura, quant à lui, souscrit une assurance incendie (également appelée assurance habitation) couvrant les éventuels dégâts causés à sa propriété donnée en location.

Si cette assurance incendie n’est pas obligatoire je ne peux que vous inciter à souscrire cette assurance car elle est essentielle.

A la lecture des considérations précédentes, vous pourriez vous faire la réflexion suivante : si le propriétaire souscrit une assurance habitation, il n’est donc pas nécessaire d’inviter le locataire à contracter une assurance responsabilité civile locative puisque le bailleur sera de toutes manières indemnisé par son propre assureur qui, par la suite, se retournera contre le locataire responsable pour récupérer ses billes.

Et pourtant, malgré la souscription d’une assurance habitation, il reste impératif d’enjoindre le locataire à souscrire une police d’assurance responsabilité civile locative.

Dans le cas contraire, l’assureur habitation n’indemnisera le propriétaire qu’à la suite d’une longue procédure judiciaire à l’encontre du locataire et ce, une fois que sa responsabilité aura été officiellement retenue et que le montant des dégâts aura été fixé par un expert judiciaire.

Et, comme vous le savez peut-être, les procédures judiciaires sont longues, très longues…

Si, par contre, le locataire dispose d’une assurance responsabilité locative, la procédure peut aller beaucoup plus vite : chacune des compagnies d’assurances envoyant leurs propres experts pour débattre sur la responsabilité et sur le montant des dégâts.

Toutefois, cette façon de procéder continue à présenter des inconvénients pour le propriétaire immobilier, à savoir :

  • Il ne doit pas oublier de contrôler annuellement la preuve de paiement des primes d’assurance par le locataire ;

  • Il peut exister des discussions quant au montant assuré dans le contrat d’assurance du locataire (évidemment, plus le montant assuré est faible, plus petite sera la prime) ;

  • Si le locataire paie mensuellement son assurance, il n’est pas possible au bailleur de contrôler chaque mois le versement de la prime d’assurance. Il est dès lors possible que le locataire ne soit plus assuré, sans que cette information ne soit jamais portée à connaissance du bailleur ;

  • Le locataire pourrait refuser d’introduire une déclaration de sinistre s’il estime que sa responsabilité n’est pas engagée ou que les dégâts ne sont pas suffisamment importants.

  • Même si le locataire est valablement assuré, le bailleur devra tout de même attendre que les experts des compagnies d’assurances s’accordent sur les responsabilités et le montant des dégâts avant d’obtenir une indemnisation (voire que ces questions soient tranchées par les tribunaux).

Afin de palier à ces différentes problématiques, il est possible de recourir à une solution magique dénommée : « Clause d’abandon de recours ».

Par ce mécanisme, le propriétaire demande à son propre assureur incendie de couvrir la responsabilité civile locative de son locataire.

Ainsi, l’assureur incendie prendra en charge l’indemnisation des dégâts causés à l’immeuble par la faute du locataire sans qu’il ne puisse, par la suite, lui réclamer les montants déboursés.

Grâce à la clause d’abandon de recours, la bailleur s’assure que :

  1. La prime d’assurance est belle et bien payée ;

  2. Le montant assuré correspond à la réalité ;

  3. Il n’y a plus qu’un seul intervenant, à savoir la compagnie d’assurance incendie du bailleur. Par conséquent, il n’existera plus de discussions sur la responsabilité et seul l’expert de la compagnie d’assurance habitation fixera le montant des dégâts.

Evidemment, qui dit extension de garanties dit prime d’assurance plus élevée.

Il est cependant possible, pour le bailleur, d’intégrer dans le contrat de bail, une clause précisant que le coût de cette surprime devra être pris en charge directement par le locataire. Tout bailleur prudent indiquera également que le locataire prendra en charge le coût de l’éventuelle franchise en cas de sinistre survenu par sa faute.

Si je ne peux que vous conseiller de recourir à la clause d’abandon de recours dans le cadre de la gestion locative de vos biens immobiliers, je me dois toutefois de préciser qu’elle peut aussi créer des inconvénients pour les locataires.

En effet, la clause d’abandon de recours ne couvre que la responsabilité civile du locataire à l’égard du propriétaire bailleur mais ne couvre pas sa responsabilité civile à l’égard de toute autre personne tels que les voisins (par exemple si l’incendie venait à se propager). De plus, l’assureur prendra en charge l’indemnisation du propriétaire pour les dégâts au bâtiment mais n’interviendra pas pour les dégâts aux biens personnels du locataire se trouvant dans les lieux.

Ainsi, si le locataire souhaite être assuré, il devra souscrire des assurances complémentaires.

Enfin, comme pour le bailleur dans la situation inverse, le locataire peut se retrouver face à un bailleur qui refuse de déclarer un sinistre. Il n’est également pas en mesure de vérifier le paiement de la prime d’assurance par le bailleur.

Par conséquent, il n’existe pas de solution parfaite qui viendrait satisfaire l’ensemble des parties. Il est toutefois très utile, pour le propriétaire, de souscrire une police d’assurance habitation avec clause d’abandon de recours à l’encontre du locataire d’autant plus s’il répercute le coût de cette surprime au locataire.

Pour conclure, terminons par évoquer une évidence : l’assureur incendie du bailleur ou l’assureur responsabilité civile du locataire ne prendra en charge que les dégâts au bâtiment causés par un risque couvert par leur police d’assurance respective. Ainsi, si certains dégâts locatifs pourraient être couverts, comme le bris de glace, la majorité des dégâts locatifs ne pourront pas être indemnisés et devront être pris en charge directement par le locataire (ce qui est bien dommage).

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
Vous utilisez un navigateur qui ne prend pas en charge toutes les fonctionnalités du site. Nous vous conseillons de changer de navigateur.
×