Louer son bien via Airbnb ou toute autre plateforme touristique dans la Région de Bruxelles-Capitale expose à une série d’obligations régionales souvent méconnues. Nombreux sont les propriétaires pensant être en règle parce qu’ils déclarent leurs revenus à l’impôt des personnes physiques.
Pourtant, cela ne suffit pas. En cas d’oubli ou de méconnaissance des règles en place, les conséquences peuvent être lourdes : amende administrative, taxation d’office, voire contentieux fiscal et urbanistique. Voici l’essentiel à connaître.
Cadre général de la taxe
Depuis l’exercice d’imposition 2017, la Région de Bruxelles-Capitale a instauré une taxe annuelle sur les établissements d’hébergement touristique (ordonnance relative à la taxe régionale sur les établissements d’hébergement touristique du 23 décembre 2016, laquelle a été modifiée par une ordonnance du 16 mai 2024, qui prévoit notamment une nouvelle définition de certaines exonérations et des obligations déclaratives renforcées. Ces modifications entreront en vigueur au plus tard le 1er janvier 2026). Cette ordonnance vise toute forme d’hébergement payant offert à des touristes, que ce soit une chambre dans un logement privé, un studio indépendant ou un immeuble entier exploité via Airbnb. La taxe est calculée sur la base du nombre de nuitées effectivement louées, et peut varier selon le type d’hébergement. En cas de location courte durée non déclarée, l’administration peut estimer forfaitairement le taux d’occupation.
Contrairement à une idée reçue, déclarer les revenus locatifs à l’IPP n’exonère pas de la taxe régionale. Le régime prévoit deux obligations distinctes :
une déclaration d’ouverture : à introduire dans les 31 jours suivant le début de l’activité via un formulaire spécifique.
des déclarations mensuelles via MyTax.brussels, indiquant le nombre réel de nuitées occupées.
En cas de manquement à l’une ou l’autre obligation, l’administration peut :
infliger une amende administrative de 1.000 € par unité d’hébergement (article 6) ; et conséquence
procéder à une taxation d’office, en présumant que le logement a été occupé toutes les nuits du mois (article 9).
Ces décisions de l’administration peuvent être contestées, mais dans des délais stricts, calculés à compter du 7ème jour suivant la notification, soit les suivants :
93 jours pour l’amende administrative ; et
31 jours pour la taxation d’office.
Il est donc essentiel d’agir rapidement dès réception d’un courrier de l’administration.
Par ailleurs, en cas de recours contre une amende, il est possible d’obtenir une réduction de celle-ci, notamment si vous démontrez votre bonne foi (ex. : ignorance légitime, absence de notification antérieure), une activité limitée ou ponctuelle et une volonté de régulariser spontanément votre situation.
Incidences sur le volet fiscal
Pour rappel, les revenus issus d’une location touristique peuvent relever, selon les cas, de l’impôt des personnes physiques, de l’impôt des sociétés, de l’impôt des personnes morales ou de l’impôt des non-résidents, mais jamais simultanément.
Ici, l’on se concentre sur l’IPP, le régime le plus courant.
Les loyers perçus via Airbnb seraient en principe imposés comme revenus immobiliers sur une base forfaitaire, sauf si l’activité devait être qualifiée de professionnelle, auquel cas une imposition sur base réelle s’appliquerait. Contrairement à une idée répandue, le bailleur ne déclarerait pas à l’IPP les montants réellement perçus, mais devrait se baser sur la valeur locative forfaitaire, souvent supérieure aux loyers effectivement encaissés.
En matière de taxe régionale d’hébergement touristique, l’un des points qui pose le plus souvent problème est la confusion entre déclarations fiscales et la déclaration régionale spécifique.
Beaucoup de propriétaires estiment être en ordre parce qu’ils déclarent leurs revenus Airbnb dans leur déclaration à l’impôt des personnes physiques (IPP), ce qui est bien sûr obligatoire… mais insuffisant.
En effet, la taxe régionale sur les hébergements touristiques repose sur une obligation autonome, issue d’une ordonnance propre à la Région de Bruxelles-Capitale, adoptée fin 2016 et applicable depuis l’exercice d’imposition 2017. Cette taxe n’est ni perçue via la déclaration IPP, ni automatiquement couverte par elle. Elle s’applique dès lors qu’un logement est mis à disposition de manière régulière, même partiellement, à des fins touristiques.
Il est donc essentiel de ne pas confondre la déclaration fiscale à l’IPP avec les obligations propres à la Région : être en ordre fiscalement ne signifie pas être en règle au regard de la réglementation régionale.
Incidences sur le volet urbanistique
Au-delà des aspects fiscaux, exploiter un bien en location touristique à Bruxelles peut soulever des problèmes urbanistiques, parfois méconnus mais tout aussi sensibles.
La nature du bien, sa configuration et sa localisation peuvent en effet impliquer des contraintes spécifiques. Le type de bien mis à disposition est un facteur déterminant.
L’ordonnance du 8 mai 2014 relative à l’hébergement touristique définit l’hébergement touristique comme suit : « tout logement proposé pour une ou plusieurs nuits, à titre onéreux, de manière régulière ou occasionnelle, à des touristes ». Celle-ci sera modifiée par l’ordonnance relative à l'hébergement touristique du 7 février 2024, laquelle devrait entrer en vigueur prochainement.
Elle inclut les hébergements suivants dans cette définition : hôtel, appart‑hôtel, résidence de tourisme, hébergement chez l’habitant, centre d'hébergement de tourisme social et terrain de camping.
De plus, elle soumet l’exploitation d’un hébergement touristique à une obligation de déclaration préalable et d’enregistrement selon la catégorie concernée.
L’exploitation d’un bien en tant qu’hébergement touristique, notamment via des plateformes comme Airbnb, peut entraîner des conséquences en matière d’urbanisme souvent ignorées des particuliers.
Pourtant, l’ordonnance du 8 mai 2014 relative à l’hébergement touristique est malheureusement silencieuse quant aux effets urbanistiques potentiels de cette activité. En effet, elle ne traite pas de la compatibilité de l’exploitation touristique avec l’affectation urbanistique du bien concerné (logement, bureau, commerce, etc.).
Pour combler ce vide, une circulaire du Ministre-Président Rudy Vervoort du 10 mai 2016 a été adoptée pour compléter l’ordonnance de 2014 et rappeler que l’exploitation régulière d’un bien à des fins touristiques peut modifier son usage au sens du droit de l’urbanisme.
Elle précise que l’exploitation régulière d’un hébergement touristique, notamment les meublés, ne peut être assimilée à un usage purement résidentiel. Ces activités sont alors soumises à l’obtention de permis d’urbanisme, notamment en matière de standards minimaux de confort (dimensions, éclairement naturel des pièces, etc.).
Cette distinction peut aisément être illustrée au travers des situations suivantes :
Dans le premier cas, un propriétaire décide de quitter son appartement pour le mettre entièrement en location sur Airbnb. Bien que le bien reste juridiquement qualifié de « logement » dans les documents administratifs, son usage change de nature : il n’est plus destiné à l’habitation permanente. Selon la circulaire précitée, cette transformation doit être analysée comme un changement d’affectation, qui nécessite, en principe, l’obtention d’un permis d’urbanisme. À défaut, le propriétaire s’expose à des mesures de régularisation, voire à une cessation d’activité ; et
À l’inverse, lorsqu’un propriétaire occupe toujours son logement et se limite à la location ponctuelle d’une ou deux chambres, le caractère résidentiel du bien reste intact. Ce type d’activité, qualifié d’« hébergement chez l’habitant » dans l’ordonnance du 8 mai 2014, est généralement toléré d’un point de vue urbanistique, à condition toutefois de respecter les obligations d’enregistrement, de sécurité et de salubrité prévues par le texte.
Conclusion
La gestion d’un bien touristique à Bruxelles ne se limite pas à la mise en ligne sur Airbnb. Un encadrement régional strict existe, et l’administration veille (depuis peu) activement à son respect. Une déclaration fiscale correcte ne protège pas d’une sanction régionale si les déclarations touristiques spécifiques prévues par l’ordonnance du 23 décembre 2016 et de l’ordonnance du 8 mai 2014 font défaut.
Si vous avez un doute sur votre situation ou faites face à une procédure, il est fortement recommandé de vous faire accompagner, tant pour contester efficacement que pour régulariser votre situation dans de bonnes conditions.