La prescription des infractions urbanistiques

Le CRI n°495 - Juin 2025
La prescription des infractions urbanistiques

En Belgique, les infractions urbanistiques peuvent avoir des conséquences juridiques significatives pour, notamment, les propriétaires, acheteurs, vendeurs et agents immobiliers.

Ces infractions constituent des infractions pénales pouvant conduire, notamment, à des poursuites devant le tribunal correctionnel. Les sanctions peuvent inclure des peines d’amende (pénale et/ou administrative), voire d’emprisonnement, ainsi que des obligations de remise en état des lieux ou d’aménagements correctifs.

Types d'infractions urbanistiques

Parmi les nombreuses infractions en matière d’urbanisme, deux catégories se démarquent par leur fréquence et leurs conséquences :

  • Infractions liées à la réalisation de constructions sans permis (catégorie 1) ou en violation des permis accordés (catégorie 2) : Ces infractions sont considérées comme instantanées, c'est-à-dire qu'elles se produisent au moment de l'exécution des travaux illégaux. Elles concernent notamment la construction d’un bâtiment sans permis ou encore la modification d’un bien en contradiction avec le permis obtenu.

  • Infractions de maintien : Ces infractions sont la conséquence directe des précédentes. Une fois une construction illégale réalisée, le simple fait de la conserver en l’état constitue une infraction continue. Autrement dit, tant que la situation n’est pas régularisée ou supprimée, l’infraction persiste et peut être constatée à tout moment, même par un nouveau propriétaire en cas de vente du bien.

Prescription des infractions urbanistiques

La prescription est le délai au-delà duquel une infraction ne peut plus être poursuivie. Cela vise à garantir une certaine sécurité juridique. Ainsi, l’on considère qu’au-delà d’un certain temps, il n’est plus opportun de sanctionner une infraction.

D’emblée, il est important de comprendre que seules les infractions liées à la réalisation des travaux (« catégorie 1 ») peuvent, en principe, se prescrire.

En revanche, le maintien d’une construction illégale constituant une infraction continue (« catégorie 2 »), elle ne se prescrit pas tant que la situation irrégulière est maintenue. Cela signifie qu’un bien construit sans permis, même il y a plus de 10 ans, reste en infraction tant qu’il n’a pas été régularisé, et ce, même s’il change de propriétaire.

En droit de l’urbanisme, les conditions et les délais varient selon les régions mais aussi selon le type d’infraction.

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En Région de Bruxelles-Capitale

À Bruxelles, le délai de prescription des infractions urbanistiques est de 10 ans. Ce délai commence à courir à partir du moment où un procès-verbal est dressé afin de constater la ou les infractions. Si, après la constatation de l'infraction ou des infractions, aucune action n'est entreprise par les autorités compétentes dans les 10 ans, la ou les infractions sont considérées comme prescrites. En conséquence, elles ne peuvent plus faire l’objet de poursuites.

Il est important de souligner que la prescription concerne uniquement les aspects pénaux de l'infraction. En effet, la situation administrative irrégulière demeure, et une régularisation du bien pourra être demandée par l’autorité compétente.

En Région wallonne

En Wallonie, une réforme du Code de Développement Territorial (CoDT) est entrée pleinement en vigueur le 1ᵉʳ avril 2024. Celle-ci a perpétué un régime d'amnistie dit « glissant » qui existait depuis 2018. Ce régime prévoit que certaines infractions urbanistiques sont présumées conformes après un certain délai, sous réserve de conditions spécifiques :

  • les infractions mineures sont présumées conformes après 10 ans, à condition de respecter certaines normes urbanistiques et environnementales. Concrètement, il s’agit d’irrégularités qui sont compatibles avec les règles d’urbanisme applicables. Elles concernent souvent des écarts limités par rapport aux prescriptions urbanistiques, comme la construction d’une annexe légèrement plus grande que ce qui a été autorisé par le permis d’urbanisme délivré ;

  • les infractions plus graves sont régularisées après 20 ans. Elles portent sur des modifications importantes du bien ou de son affectation, effectuées sans autorisation. Par exemple, la transformation d’une maison unifamiliale en plusieurs appartements sans permis ; et

  • les infractions non conformes à la destination du plan de secteur restent non prescrites et peuvent donc être poursuivies indéfiniment. On citera comme exemple la construction d’une habitation en zone de parc, zone dans laquelle les constructions sont interdites.

Concrètement, en cas d’amnistie, ces actes et travaux échappent à toute poursuite pénale et aux sanctions administratives qui peuvent accompagner une infraction, mais ils sont également reconnus comme étant conformes sur le plan urbanistique de manière définitive. Autrement dit, ils bénéficient d’une régularisation implicite équivalant à un permis tacite.

Il est essentiel de noter que l'amnistie ne signifie pas une régularisation automatique de la situation administrative. Les propriétaires doivent entreprendre des démarches auprès de l'administration communale pour régulariser leur situation, même si l'infraction est amnistiée.

Il faut bien avoir à l’esprit qu’une infraction urbanistique ne concerne pas la situation infractionnelle de son auteur, mais le bien qui en est grevé. Cela signifie qu’en cas de vente, l’acheteur hérite de l’irrégularité de la situation infractionnelle. Il devient, dès l’acquisition, responsable du maintien de l’infraction, même s’il n’en est pas l’auteur initial. Il pourra donc être sommé de régulariser la situation ou, dans certains cas, de remettre les lieux en état, à ses frais.

Conséquences pour les propriétaires et les professionnels de l'immobilier

Les infractions urbanistiques peuvent avoir des répercussions significatives lors de la vente ou de l'achat d'un bien immobilier. Une infraction non prescrite ou non amnistiée peut devenir la responsabilité de l'acheteur. Il est donc crucial pour les vendeurs de régulariser, si possible, toute infraction avant la vente et pour les acheteurs de vérifier la conformité urbanistique du bien convoité. (Les renseignements urbanistiques jouent un rôle crucial dans l’information de l’acheteur du bien. Nous y reviendrons dans une prochaine contribution.) Les agents immobiliers peuvent également avoir un rôle important à jouer en informant et en conseillant leurs clients sur ces aspects pour éviter des complications futures. En effet, leur responsabilité pourrait être engagée.

En résumé, la compréhension des mécanismes de prescription et d'amnistie des infractions urbanistiques est essentielle pour tous les acteurs du marché immobilier en Belgique. Une vigilance accrue et une démarche proactive en matière de régularisation peuvent prévenir des désagréments juridiques et financiers significatifs.

La complexité des réglementations et les nombreuses exceptions nécessitent l’accompagnement d’un spécialiste en la matière qui pourra effectuer une analyse personnalisée de la situation.

Les infractions urbanistiques peuvent avoir des conséquences importantes lors de la vente ou de l'achat d'un bien immobilier. Même si l’infraction est prescrite sur le plan pénal, c’est-à-dire qu’on ne peut plus engager de poursuites judiciaires, elle peut néanmoins subsister sur le plan administratif. En effet, les autorités administratives peuvent, pendant une période plus longue, exiger une régularisation ou ordonner la remise en état du bien.

On soulignera, pour finir, que la Région wallonne se distingue par un régime nettement plus souple à cet égard que celui de la Région de Bruxelles-Capitale, grâce à son système d’amnistie glissante qui permet, sous certaines conditions et sur le plan administratif, de considérer des infractions comme régularisées automatiquement avec le temps.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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