Un défaut de paiement de loyers peut rapidement déboucher sur un litige lourd de conséquences, tant pour le locataire que pour le bailleur. Du simple retard de paiement à l’expulsion judiciaire, le processus peut s’étaler sur plusieurs mois et engendrer des coûts considérables.
Nous vous proposons une illustration concrète et chiffrée de ce que peut représenter un litige locatif aboutissant à l’expulsion du locataire, sur base d’un exemple vraisemblable en Wallonie.
Le postulat de départ
Imaginons un bail de 9 ans signé le 1er juillet 2021, enregistré, portant sur un logement privé en Wallonie, avec un loyer mensuel de 500 €. Le bien est occupé par un couple dont un seul membre dispose d’allocations de chômage. Le logement est relativement neuf et son PEB est B. À partir de février 2024, les loyers ne sont plus payés. Le bail contient une clause résolutoire, permettant au juge de constater la résiliation du bail en cas de non-paiement persistant. Une garantie locative équivalente à deux mois de loyer (1.000 €) a été constituée à la signature du bail.
La procédure judiciaire : étapes clés
Suite au non-paiement des loyers, le propriétaire mandate un avocat pour introduire une action devant le Juge de Paix compétent. De façon un peut schématique, voici comment le litige s’est déroulé (afin de simplifier les propos, nous avons déjà intégré les dégâts locatifs qui sont en principe fixés lors d’une audience postérieure) :
Février à avril 2024 : trois mois d’impayés s’accumulent. Le bailleur met en demeure les locataires après le premier mois.
Avril 2024 : introduction d’une requête devant le juge de paix.
Juin 2024 : audience et jugement prononcé le 20 juin 2024, constatant la résiliation du bail au 30 juin 2024.
Le juge condamne les locataires à payer au bailleur :
5 mois de loyers impayés (février à juin)
2 mois d’indemnité de résiliation
2 mois d’indemnité d’occupation (juillet et août)
500 € de dommages locatifs (forfait)
Frais d’huissier, d’avocat, et indemnité de procédure
Le juge attribue la garantie locative de 1.000 € au bailleur, en déduction des montants dus.
Fin juillet 2024 : signification du jugement
Fin août 2024 : expulsion par huissier avec serrurier et déménageur
Mi-septembre 2024 : relocation du bien (15 jours de vacance locative)
Chiffrage des condamnations mises à charge du locataire
Sur base de la chronologie détaillée ci-avant, nous pouvons dresser les conséquences économiques du litige:
Poste | Montant |
5 mois de loyers impayés (févr. à juin) | 2.500€ |
Indemnité de résiliation (2 mois) | 1.000€ |
Indemnité d’occupation (juil. + août) | 1.000€ |
Dégâts locatifs (forfait) | 500€ |
Frais d’huissier (signification, expulsion, serrurier) | 2.500€ TVAC |
Honoraires d’avocat du bailleur | ~ 960€ TVAC |
Indemnité de procédure (estimation barème légal) | 1.200€ |
Sous-total | ~ 9.660€ |
Déduction de la garantie locative |
|
Montant net dû par les locataires | ~ 8.660€ |
Le montant des arriérés locatifs et des frais est donc de l’ordre de 7.500 €. Il convient d’en déduire la garantie locative de 1.000 € soit un manque à gagner de 6.500 € pour le bailleur (dont 2.500 € de frais déjà avancés à l’huissier. Le bailleur doit également prévoir le montant de +/- 960 € TVAC pour les frais d’avocat. C’est donc une somme totale de 7.460 € de valeur économique supportée par le bailleur. L’indemnité de procédure de 1.200 € est à charge du locataire pour avoir succombé dans la procédure. Ce n’est donc pas le bailleur qui l’expose.
Le risque d’insolvabilité : un facteur souvent ignoré
Même si le juge condamne les locataires à payer l’intégralité des montants dus, il n’existe aucune garantie que le bailleur recouvrera effectivement les sommes.
En effet, dans ce cas précis, les locataires disposent de ressources limitées (un seul revenu de chômage). Il est donc très probable que la dette ne soit pas payée ou ne le soit que partiellement. Si le bailleur veut récupérer son dû, il devra entamer une procédure de recouvrement, avec des frais supplémentaires (saisie, enquête de solvabilité, etc.), pour un résultat incertain.
L’insolvabilité du locataire constitue un risque structurel important, particulièrement en cas de contentieux. Même une décision judiciaire favorable ne permet pas toujours d’obtenir un remboursement.
Dans les faits, le bailleur risque donc une perte financière de 7.460 €.
À quoi s’ajoute une perte pour le bailleur
Même si une partie des frais sont récupérables en théorie, le bailleur supporte en pratique certaines pertes immédiates :
Vacance locative : 15 jours sans loyer → 250 € de manque à gagner
Avances de frais : le bailleur paie d’abord huissier, serrurier, avocat…
Temps perdu et gestion du stress
Dans cet exemple, le bailleur a avancé près de 2.500 € d’huissier et 960 € de frais d’avocat et encaisse des pertes indirectes qui ne sont pas couvertes par la garantie locative.
Ce qu’il faut en retenir
Ce cas illustre que même un loyer modeste de 500 €/mois peut conduire à des pertes de plusieurs milliers d’euros pour un locataire, mais surtout à des risques concrets pour le bailleur :
Frais de justice et d’exécution
Perte de revenus pendant plusieurs mois
Risque d’insolvabilité du locataire
Gestion administrative et stress
Conseils pratiques pour les bailleurs
En conclusion, il est indispensable d’être particulièrement consciencieux et d’éviter au maximum le risque d’impayés. Pour ce faire, voici quelques conseils pratiques :
Utilisez des baux de bonne qualité et bien rédigés qui prévoient notamment la clause résolutoire (nous recommandons évidemment ceux du SNPC) ;
Constituez une garantie locative ;
Réagissez rapidement en cas d’impayé (mise en demeure après 15 jours de non-paiement ;
et dépôt de requête après deux mois d’impayés) ;
Conservez toutes les preuves (écrits, échanges, mises en demeure) ;
Ne négligez pas l’intérêt de faire appel à un avocat spécialisé.