Mon locataire veut quitter mon bien et donc rompre le bail

Le CRI n°450 - Janvier 2021
Mon locataire veut quitter mon bien et donc rompre le bail

Les locataires signent souvent des baux pour une durée déterminée mais ne respectent pas la durée prévue initialement et souhaitent rompre leur bail anticipativement.

Cette situation fréquente fera l'objet de plusieurs articles car les solutions juridiques dépendent de la nature du bail.

Voici les types de baux qui seront examinés :

  • Bail soumis au droit commun (par exemple : bail pour atelier – dépôt, bureau)

  • Bail soumis à la loi sur les baux commerciaux

  • Bail d'habitation

Il y a encore d'autres types de baux qui ne seront pas évoqués (à ferme, à vie, etc...)

Pour aller du général au particulier, nous commencerons par examiner la situation en droit commun.

1. Bail soumis au droit commun

Rappelons que le Code civil n'interdit nullement la cession ou la sous-location des baux.

Néanmoins, la plupart si pas tous les modèles de baux prévoient une interdiction de sous-louer ou de céder.

La raison en est que ces deux situations peuvent poser problèmes au bailleur (qui est souvent propriétaire du bien).

Profitons de l'occasion pour rappeler que «bailleur» et «propriétaire» ne sont pas synonymes. Un bailleur peut être lui-même locataire du propriétaire. C'est assez souvent le cas dans certains domaines d'activité, notamment l'horeca.

Cette situation n'est pas réglementée par les régions qui ne se sont intéressées qu'au baux d'habitation et ont édicté des règles particulières que nous évoquerons dans le chapitre III du présent article mais dans un autre numéro du CRI.

Il est important pour tout bailleur de maintenir une clause de principe d'interdiction de cession ou de sous-location car, à défaut, il peut se retrouver dans une situation qu'il n'a pas voulue à l'origine, non seulement en raison de la qualité ou de la mauvaise qualité de son nouveau locataire, mais également en raison du type de contrat ou de restrictions qu'il peut se voir imposer si la cession ou la sous-location entraîne des relations contractuelles qui dépendent d'un autre régime réglementé de façon toute différente de celle du bail de droit commun.

Nous pensons par exemple au cas du bailleur peu prévoyant qui n'aurait pas limité le type d'occupation dans le bail et qui doit donc accepter n'importe quelle activité laquelle pourrait tomber sous les dispositions d'un bail règlementé. Cette situation entraînerait au mieux un imbroglio et au pire un litige judiciaire.

C'est d'ailleurs la même prudence qu'un bailleur doit avoir en matière de bail commercial et éviter par exemple de louer « à usage commercial » ou « pour tout commerce ».

Si le bail contient une interdiction de cession ou de sous-location (ce n'est pas la même chose), le bailleur pourra refuser toute demande en ce sens.

Son refus est en principe fondé par la seule existence de la clause mais encore faut-il qu'il n'abuse pas de ce droit de refus.

En principe, s'il refuse, il n'y a pas d'abus mais la question de l'abus de droit est très subjective et laissée à l'appréciation du juge. Cette notion a considérablement évolué en ce sens que les certitudes ont souvent laissé la place au doute, notamment dans le conseil à donner à un bailleur qui est confronté à cette demande de cession de la part de son locataire ou même à une demande de résiliation amiable.

Qu'entend-on par cession de bail ?

Il s'agit en fait d'une cession de créance en ce cens que les droits du locataire cédant passent au locataire cessionnaire, c'est-à-dire le nouveau locataire.

Il y a donc, pour le bailleur, un changement de débiteur même si l'ancien reste responsable des obligations du bail à son égard.

Si on peut céder ses droits, on ne peut en effet céder ses dettes, ce qui serait, il faut bien le dire, un peu trop facile.

En pareil cas, le bailleur accepte la cession pure et simple, il ne perd cependant pas son premier débiteur sauf s'il y consent évidemment.

Qu'entend-on par 'sous-location' ?

La sous-location est permise dans le bail de droit commun si elle n'est pas interdite expressément par le bail.

C'est ainsi que se crée un nouveau bail entre le locataire initial qui devient lui-même le bailleur de son sous-locataire.

Le bailleur initial n'a pas de liens de droit avec le nouvel occupant qu'il le connaisse ou non.

C'est ainsi que si le locataire initial ne paie pas le loyer à son bailleur, celui-ci pourra demander la résolution du bail aux torts de son locataire et demander son expulsion « lui et tous ceux qui se trouvent dans les lieux de son chef » suivant la formule utilisée par les avocats et huissiers de justice en pareil cas.

Très souvent, les parties en présence (bailleur, locataire et sous-locataire) ne se préoccupent pas de ce qu'ils considèrent comme des subtilités juridiques et installent une situation de fait qui peut devenir très compliquée, surtout s'il y a plusieurs sous-locations successives.

Caractère exceptionnel de cette situation

A l'époque où beaucoup de baux étaient verbaux, les situations décrites ci-dessus se présentaient relativement fréquemment puisque, par définition, dans le bail écrit et a fortiori verbal, la cession ou la sous-location était autorisée.

L'utilisation de modèles de baux écrits s'étant généralisée et l'interdiction de céder et de sous-louer se trouvant dans tous ces modèles, la règle générale s'applique de moins en moins.

Les interdictions conventionnelles de céder de sous-louer

Les baux qui interdisent cession et sous-location ne prévoient généralement pas ou même jamais les conséquences de l'infraction à l'interdiction conventionnelle.

Si une clause d'interdiction n'est pas claire, elle sera interprétée en faveur du locataire qui est censé être la partie non pas la plus faible mais celle qui s'est obligée puisqu'il y a dérogation au droit commun qui (pour rappel) n'interdit ni la cession ni la sous-location.

Dès lors, pour le bailleur, les clauses d'interdiction doivent être extrêmement claires car tout doute profitera à son locataire non seulement si ce doute se trouve dans le libellé de la clause d'interdiction mais aussi s'il peut être tiré du comportement du bailleur qui connaît la situation créée par son locataire, la tolère et finit implicitement par l'approuver.

Imaginons d'ailleurs qu'il constate une cession ou une sous-location qui ne lui plait vraiment pas. Il a intérêt à agir rapidement pour la faire cesser ou, le cas échéant, si la situation n'est pas réversible, demander la résolution du bail aux torts de son locataire, son expulsion et celle de son sous-locataire ou du cessionnaire.

Si le bailleur n'agit pas du tout ou tardivement, le juge qui serait saisi de l'affaire devra interpréter si la faute initiale du locataire n'a pas été en quelque sorte couverte par la passivité du bailleur. Si ce dernier ne subit aucun préjudice du comportement en principe frauduleux de son locataire, le juge pourrait considérer que le refus systématique du bailleur d'accepter la situation est un abus de droit.

Il pourra l'admettre et décider dans son jugement que l'occupant, même s'il est initialement fautif, n'a commis qu'une infraction mineure.

En pareil cas, le bail sera maintenu, même si le juge veillera à ne pas causer de préjudice au bailleur qui se considèrera finalement, et souvent à juste titre, comme victime de sa propre tolérance.

Dans le cadre de cet article d'intérêt général, nous n'entrerons pas dans l'examen qui devrait être nécessairement trop détaillé des effets de la cession et de la sous-location.

Le prochain chapitre concernera donc les baux commerciaux.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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