Taxation des revenus immobiliers - Cascade de conséquences

Le CRI n°464 - Mai 2022
Taxation des revenus immobiliers - Cascade de conséquences

Le ou les projets de taxation des « loyers réels » sont évoqués, soutenus et contestés.

Les thèses s'affrontent en raison de déficits budgétaires des pouvoirs publics consécutifs aux drames économiques de la pandémie qui continue à sévir et plus localement aux inondations. Quant au principe même d'un projet de taxation des revenus réels, le Président Olivier Hamal, a déjà dénoncé dans « Le Cri » de janvier le poids financier des multiples ponctions fiscales qui pèsent sur les patrimoines immobiliers tout en permettant le maintien d'emplois multiples générateurs de revenus et de rentrées fiscales.

Un arrêt de la 5ème chambre fiscale de la Cour d'appel de Bruxelles du 23 septembre 2021 attire l'attention sur les conséquences fiscales désastreuses d'investissements immobiliers non réfléchis. Ce cas d'espèce concernait une dame qui détenait 17 immeubles. Elle avait acquis 9 immeubles en 18 ans, dont le financement avait été réalisé « ... au moyen quasiment exclusivement d'emprunts hypothécaires ou grâce aux plus-values perçues lors de la vente de certains d'entre eux ». L'Administration avait fait observer entre autres que seuls les loyers permettaient d'honorer le remboursement des emprunts, ce qui impliquait dans sa thèse « une prise de risque qui ne relève pas d'une simple gestion en bon père de famille ». Elle avait épinglé également l'absence d'épargne personnelle, l'ouverture d'un compte bancaire par immeuble et surtout l'importance des devoirs de gestion des immeubles loués qui n'a pas pu être assurée ... qu'en raison du statut de chômeuse de longue durée de la contribuable.

Ces acquisitions financées par des emprunts et l'importance des loyers perçus ont conduit le taxateur à requalifier les revenus immobiliers déclarés en revenus professionnels pour exclure la notion de « gestion normale du patrimoine privé ». Si ce litige a certes des connotations particulières et peu sympathiques, il n'en n'est pas moins important.

L'Administration a relevé dans différents litiges depuis 1989 des opérations en cascade dans lesquels l'implication du contribuable dans une gestion immobilière suivie, avec l'aide éventuelle d'un tiers, professionnel ou non, les « multiples opérations » pour conclure ne plus être en présence d'un contribuable se bornant à encaisser des loyers de manière telle qu'elle pourrait rechercher une autre voie de taxation forcément plus lourde financièrement pour le contribuable épinglé.

Dans l'affaire évoquée, les magistrats ont considéré, tant en première instance qu'en degré d'appel, notamment qu' « ...il résulte de l’ensemble des constatations ... que les revenus du patrimoine litigieux ... (loyers et plus-values obtenues lors de la revente des immeubles ...) sont des revenus professionnels ... en ce qu 'ils proviennent d'un ensemble d'opérations suffisamment fréquentes et liées entre elles pour constituer une occupation continue et habituelle, en dehors du cadre de la gestion normale d'un patrimoine privé ».

Vainement, la contribuable a tenté de soutenir à titre subsidiaire que les loyers litigieux étaient à qualifier de revenus « divers » au sens de l'article 90.1° du Code des impôts sur les revenus pour bénéficier d'un taux d'imposition distinct (et donc non progressif).

La Cour d'appel lui a opposé, malheureusement mais à bon droit, un arrêt de la Cour de cassation du 4 octobre 2013 ayant souligné que les revenus retirés de la location d'un bien immobilier sont, en fonction des circonstances de fait, soit des revenus immobiliers, soit des revenus professionnels, mais jamais des « revenus divers » au sens de l'article 90, 1°.

Les conséquences de cette jurisprudence peuvent être particulièrement lourdes, car outre le poids des impôts sur les revenus (à majorer des intérêts de retard en cas de non-paiement des cotisations enrôlées), le contribuable pourra être interpellé en outre pour absence à une affiliation à une caisse sociale pour travailleurs indépendants et donc au paiement d'arriérés de cotisations sociales à majorer d'intérêts de retard.

La situation budgétaire incite certains à rechercher des matières imposables sur la base des textes légaux existant mais pire, à vouloir créer de nouvelles bases d'imposition. Les suggestions de taxation des personnes physiques sur les revenus locatifs effectivement perçus, et non plus sur les revenus cadastraux indexés, ensuite majorés de 40% en cas de location d'un bien à usage privé, sont de plus en plus fréquentes.

Sans doute la question de principe n'est pas neuve. Le journal L'Echo du 28 janvier 2020 avait déjà évoqué des initiatives de l'Administration des contributions directes de requalifier des revenus immobiliers en revenus professionnels au seul motif de son constat du nombre d'immeubles mis en location .

L'Administration avait tenté dans un premier temps de requalifier des revenus immobiliers en « revenus divers », notion fiscale visée à l'article 90, 1° du Code des impôts sur les revenus. Ces revenus divers sont taxables à un taux distinct de 33% en vertu de l'article 171, 1° du même code. La Cour de cassation a heureusement balayé cette requalification.

Un autre angle d'attaque pour l'Administration est la notion d'« occupation lucrative » dont découle la notion de « profits » au sens de revenus professionnels.

Une jurisprudence abondante a fait apparaître le soin de l'examen en fait par les cours et tribunaux pour conclure tantôt au rejet tantôt à la confirmation de cette notion de revenus professionnels. L'importance financière d'opérations, fréquentes et liées entre elles, sont des éléments de fait que l'Administration analyse tout en pouvant étayer ses propres considérations de faits et d'actes situés en dehors de la période fiscale litigieuse pour cerner l'appréciation des actes posés durant le ou les exercices d'imposition en litige.

En janvier 2020, un rapport officieux émanant du « Conseil supérieur des Finances » avait évoqué un « big bang fiscal » (cfr. L'Echo du 18 janvier 2020, p. 7). Le taux de taxation suggéré était de 30%.

Une requalification en revenus professionnels a des conséquences également quant à la tenue d'une comptabilité qui doit répondre aux exigences du Code de droit économique, outre la taxation des éventuelles plus-values réalisées sur un immeuble et la contrainte évoquée ci-dessus en matière de cotisations sociales pour les indépendants.

D'autres suggestions sont évoquées ces dernières semaines dont un taux fixe de 30% sur le montant des loyers bruts perçus, mais sans pour autant exclure une requalification des revenus immobiliers « globaux » (loyers et plus-values éventuelles) en revenus professionnels en fonction des circonstances propres.

Un Appolinaris ne suffira pas.

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