Trop près, trop haut, trop vert ? ...L’arbre du voisin en question

Trop près, trop haut, trop vert ? ...L’arbre du voisin en question

Un arbre qui s’élève trop près de la limite d’un terrain peut vite transformer la quiétude d’un jardin en source de tensions. Que dit la loi ? Quelles sont les exceptions ? Et comment agir sans envenimer les relations de voisinage ?

Dans de nombreux quartiers, les arbres sont à l’origine de discussions passionnées entre voisins. Qu’il s’agisse d’un vieux chêne qui fait trop d’ombre, de branches qui dépassent ou de racines envahissantes, les situations sont fréquentes. Depuis la réforme du droit des biens, le Code civil belge apporte davantage de clarté, même si certaines règles anciennes subsistent encore en Wallonie et à Bruxelles.

Mais au-delà des textes, ces conflits interrogent une question simple : jusqu’où peut-on profiter de son jardin sans empiéter sur celui du voisin ?

Les distances de plantation : une règle simplifiée

Jusqu’en 2021, la question des distances de plantation était régie par le Code rural et par les « usages constants et reconnus ». Cela donnait lieu à de nombreux débats devant les tribunaux, car il fallait distinguer les arbres « à haute tige » de ceux « à basse tige », une notion jamais clairement définie.

Depuis le 1er septembre 2021, le nouvel article 3.133 du Code civil simplifie le régime : désormais, seul compte le critère de la hauteur effective de l’arbre.

« Toutes les plantations doivent être situées au minimum aux distances définies ci-après de la limite des parcelles, sauf si les parties ont conclu un contrat à cet égard ou si les plantations se trouvent au même endroit depuis plus de trente ans. La distance visée au premier alinéa est, pour les arbres d’une hauteur de deux mètres au moins, de deux mètres à partir du milieu du tronc de l’arbre et, pour les autres arbres, arbustes et haies, d’un demi-mètre. »

Ainsi, si l’arbre mesure au moins deux mètres de haut, il doit se trouver à deux mètres de la limite séparative. S’il est plus petit, la distance minimale est de cinquante centimètres.

La règle est claire mais connaît des exceptions. Si les plantations sont là depuis plus de trente ans, elles ne peuvent plus être contestées pour non-respect de la distance. De même, un accord écrit entre voisins peut valablement prévoir une autre organisation. Enfin, il existe une limite implicite : si l’arbre ne dépasse pas la hauteur d’une clôture déjà en place, le voisin ne peut pas en demander l’arrachage.

Attention toutefois : la prescription invoquée par le propriétaire d’un arbre « trop proche » n’est pas une protection absolue. Un arbre peut avoir grandi et franchi le seuil des deux mètres seulement peu de temps avant qu’un voisin ne se plaigne. De plus, même lorsqu’il bénéficie de la prescription en raison de son ancienneté, l’arbre peut encore être considéré comme générant un trouble anormal de voisinage. Dans ce cas, c’est le juge de paix qui appréciera la situation et décidera si une intervention est nécessaire (voir explication ci-dessous sur les troubles anormaux).

Si les plantations sont là depuis plus de trente ans, elles ne peuvent plus être contestées pour non-respect de la distance

Sanctions et souplesse dans l’application

Lorsqu’un arbre ne respecte pas les distances, le voisin gêné peut en principe exiger son élagage ou même son arrachage. La nouveauté par rapport à l’ancien Code rural, qui ne prévoyait que l’arrachage, est donc une certaine souplesse. Toutefois, la demande ne peut pas constituer un abus de droit. Le juge doit apprécier toutes les circonstances, y compris l’intérêt général, et peut refuser une mesure trop radicale si elle paraît disproportionnée.

Autre précision importante : le droit d’exiger l’enlèvement d’arbres trop proches ne s’éteint pas par prescription. Le fait de tolérer pendant des années des branches ou des racines qui dépassent ne signifie pas que vous renoncez à votre droit d’agir. En revanche, si l’arbre lui-même est en place depuis plus de trente ans, la prescription joue et il ne pourra plus être arraché uniquement en raison de sa distance.

Enfin, détail souvent oublié : selon l’article 3.134, les fruits tombés naturellement d’un arbre appartiennent au propriétaire du terrain voisin sur lequel ils sont tombés. Pas besoin de demander l’autorisation pour ramasser les pommes tombées dans votre jardin !

Branches et racines qui dépassent : ce que vous pouvez faire

L’un des apports majeurs de la réforme concerne les branches et racines envahissantes. Sous l’ancien régime, on ne pouvait couper soi-même que les racines, tandis que les branches nécessitaient une autorisation judiciaire. Depuis 2021, l’article 3.134 change la donne.

Désormais, si des branches ou racines avancent sur votre terrain, vous devez d’abord adresser à votre voisin une mise en demeure par recommandé, en lui laissant soixante jours pour agir. S’il ne réagit pas, vous êtes autorisé à couper vous-même, à ses frais, et même à vous approprier les branches ou racines coupées. Mais attention : vous assumez le risque des dommages causés à l’arbre, et vous ne pouvez en aucun cas abattre l’arbre entier sans décision de justice.

Le juge reste compétent pour trancher si le voisin refuse de couper ou si la situation dégénère. Là encore, il vérifiera que la demande n’est pas abusive et tiendra compte de l’équilibre global du voisinage.

Quand l’arbre devient un « trouble anormal » : l’exemple du jacuzzi

Toutes ces règles de distance et de taille ne suffisent pas à régler certaines situations complexes. Le Code civil a donc introduit un principe général à l’article 3.101, consacré aux troubles anormaux de voisinage :

« Les propriétaires voisins ont chacun droit à l’usage et à la jouissance de leur bien immeuble. (…) Chacun d’eux respecte l’équilibre établi en ne causant pas à son voisin un trouble qui excède la mesure des inconvénients normaux du voisinage. »

Concrètement, si un arbre provoque une ombre permanente, obstrue vos panneaux solaires, bouche systématiquement vos gouttières ou empêche d’utiliser un espace de loisir, vous pouvez invoquer ce principe pour demander une mesure corrective.

Prenons un exemple concret : vous avez installé un jacuzzi dans votre jardin. Si l’arbre de votre voisin, déjà en place depuis des décennies, laisse tomber des feuilles dedans, il sera très difficile d’obtenir son abattage ou sa taille forcée. En effet, les tribunaux considèrent généralement que celui qui installe un équipement sous un arbre existant doit assumer le contexte. En revanche, si votre jacuzzi était là en premier et que le voisin a ensuite planté ou laissé croître un arbre qui rend son usage quasi impossible (saletés constantes, filtration endommagée, nettoyage quotidien nécessaire), il sera plus facile d’invoquer un trouble anormal et d’obtenir une décision favorable.

La médiation : une voie à privilégier

Avant de saisir le juge, il existe une alternative souvent méconnue mais très efficace : la médiation. Ce processus, encadré par un médiateur agréé et reconnu par la loi, permet aux parties de se rencontrer et de rechercher ensemble une solution acceptable pour tous. L’accord trouvé peut avoir la même valeur qu’un jugement et doit être respecté.

La médiation présente plusieurs avantages : elle est plus rapide, moins coûteuse et surtout confidentielle. Chacun peut s’exprimer directement, ce qui permet parfois de mettre à plat des tensions accumulées et de trouver un compromis durable. Dans les litiges de voisinage, elle est particulièrement adaptée : même après un conflit, les voisins doivent continuer à vivre côte à côte, se croiser et cohabiter. Un jugement tranché peut laisser un goût amer, alors qu’un accord négocié apaise davantage les relations.

Bien sûr, la médiation suppose la bonne volonté des deux parties. Mais elle mérite d’être tentée avant d’engager une procédure judiciaire longue et coûteuse. La liste des médiateurs agréés est publique et disponible auprès des juridictions ou en ligne (cf. cfm-fbc.be).

Conclusion

Les arbres enjolivent nos paysages, mais ils sont aussi source de nombreuses querelles entre voisins. Le Code civil belge apporte aujourd’hui plus de clarté, en fixant des distances précises, en permettant l’élagage ou la coupe après mise en demeure, et en protégeant certains arbres anciens. Mais au-delà des textes, la clé réside dans la proportionnalité : il faut distinguer les inconvénients normaux de la vie de voisinage des véritables troubles anormaux.

Et surtout, gardons à l’esprit que la loi n’empêche pas le bon sens : mieux vaut un accord amiable ou une médiation qu’une bataille judiciaire. Car une bonne entente vaut toujours mieux qu’un procès… même à l’ombre d’un grand arbre.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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