Comptes bancaires : le député Patrick Prévot au secours des copropriétés

Le CRI n°472 - Mars 2023
Comptes bancaires : le député  Patrick Prévot au secours des copropriétés

Les lecteurs se rappelleront l’appel à témoignages que lançait le SNPC dans LE CRI n° 469, p. 31. Pour objectiver les difficultés des copropriétés à l’égard des banques, il publiait un article en décembre dernier intitulé « Copropriétés et banques : le grand désamour ? ». De nombreux lecteurs que le SNPC remercie se sont alors manifestés pour confirmer cette situation.

Suites à cet article

Actions

Subséquemment au bouclage de cet article, le député Patrick Prévot (PS) a posé LA QUESTION relative à l’exclusion bancaire d’ASBL ou de copropriétés par une grande banque :

" [...] Monsieur le Ministre, mes questions sont les suivantes :

  • Avez-vous été alerté par ces cas d’exclusion bancaire d’ASBL et copropriétés par une grande banque belge ? Si oui, quelle a été votre réaction ?

  • S’agit-il d’exclusions liées à une analyse individuelle ou d’une pratique générale de de-risking ?

  • La nouvelle loi sur le service bancaire de base permet-elle d’apporter une solution aux personnes morales concernées ?

  • Enfin, des actions sont-elles entreprises pour faciliter la mise en œuvre de la règlementation UBO et mieux informer les ASBL à son sujet, sans bien entendu porter atteinte à l’objectif légitime de cette législation ?

Je vous remercie pour vos réponses."

A cet égard, d’abord, il a pu interpeller Monsieur Vincent Van Peteghem, Ministre fédéral des Finances, chargé de la Coordination de la lutte contre la fraude, et par la suite, en Commission Economie à la Chambre, il a interpellé le Ministre Dermagne.

Réaction

A la QE 1143, Monsieur Pierre-Yves Dermagne, Ministre de l’Economie, a réservé la réponse suivante :

" Je suis au courant de la problématique qui touche les ASBL et les copropriétés. Plusieurs plaintes me sont parvenues et mon administration a reçu un signalement.

Le service bancaire de base pour les entreprises peut en effet constituer une solution pour les ASBL et les copropriétés. Les banques ont des obligations de vigilance sur base de la loi du 18 septembre 2018 sur la lutte contre le blanchiment d’argent.

Depuis l’entrée en vigueur de la loi, la Banque nationale a constaté la multiplication d’actions de « de-risking » menées par des institutions financières relevant de ses compétences de contrôle, en invoquant principalement des raisons liées à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

A la suite de ces constatations, elle a publié une circulaire le 1er février 2022 par laquelle elle rappelle que si des décisions de ne pas établir ou de mettre fin à une relations d’affaires, ou de ne pas effectuer une transaction, peuvent être conformes aux exigences de la Loi anti-blanchiment, le de-risking de catégories entières de clients individuels, est un signe de gestion inefficace du risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

Pour plus d’informations à ce sujet, je vous invite à prendre contact avec la Banque nationale qui est donc chargée du contrôle du respect de cette circulaire.

Rien ne s’oppose à ce que les ASBL et les syndics de copropriété puissent bénéficier du service bancaire de base aux entreprises.

Le champ d’application du service bancaire de base est limité aux entreprises visées à l’article I.1, 1° du Code de droit économique.

Les ASBL, en tant que personnes morales, inscrites à la Banque-Carrefour des Entreprises peuvent donc prétendre au service bancaire de base, ainsi que les syndics de copropriété dans la mesure où ils représentent une association de copropriétaires, ayant le statut de personne morale, et où ils sont inscrits à la Banque-Carrefour des Entreprises."

Que retenir ?

Il faut apprécier la diligence de nos Ministres, l’un pour ses actions et l’autre pour son retour et les remercier pour leur implication dans cette problématique. Nous leur en savons gré.

Toutefois, les réponses du Ministre Dermagne suscitent des interrogations et les lecteurs du CRI les apprécieront sans doute à leur juste valeur, vu les aspects positifs et les bémols.

Aspects positifs, nous pouvons relever :

  • la problématique a bien attiré l’attention du Ministre Dermagne. Il a en effet répondu à la question et rappelé la circulaire du 1/2/2022 de la B.N.B (2022-03) ;

  • la problématique dénoncée est bien affirmée par le Ministre comme une multiplication d’actions de de-risking visant des catégories entières de clients, sans tenir compte des profils de risque des clients individuels, menée par des institutions financières relevant des compétences de contrôle de la Banque Nationale ;

  • le de-risking de catégories entières de clients sans tenir dûment compte des profils de risques des clients individuels est considéré être un signe de gestion inefficace du risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (Loi du 18/9/2018) ;

  • le service bancaire de base pour les entreprises peut en effet constituer une solution pour les ASBL et les copropriétés.

Les copropriétés peuvent donc se prévaloir du service bancaire de base. C’est rassurant !

Les copropriétés ne sont pas propriétaires des immeubles concernés. Les associations de copropriétaires n’ont été instituées que pour rendre leur gestion plus aisée et plus accessible à leurs cocontractants et aux tiers. De même, si elles sont titulaires des comptes bancaires à leur nom, ce sont les copropriétaires qui les constituent, qui versent, selon leurs quotes-parts dans les parties communes, les fonds nécessaires au paiement et remboursement des frais exposés et nécessaires à cette gestion. Elles ne perçoivent pas de bénéfices et ne distribuent pas de dividendes. Il n’y a ni lucre ni spéculation !

Bémols à épingler :

  • la date de la circulaire évoquée, soit le 1/2/2022 interpelle ! A l’évidence, le monde bancaire en a , depuis lors et volontairement, fait une application extensive et sans nuances au secteur des copropriétés. Il est resté sourd aux réactions des titulaires de comptes bancaires concernés et a persisté dans une politique d’exclusion… ; nous le déplorons ;

  • la multiplication d’actions de de-risking de catégories entières de clients, menées par les banques ne constitue qu’un signe de gestion inefficace du risque de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme ; qu’à ce titre, la politique de de-risking des banques relève non pas de la compétence du Ministre mais de la compétence de la Banque Nationale (de Belgique) chargée du contrôle du respect de la circulaire déjà évoquée ! ;

  • Autrement dit, il reviendrait aux personnes lésées, non pas en qualité de catégorie (entière) de clients de s’adresser à la BNB et d’établir que leur profil de risque de client individuel est conforme aux exigences de la loi anti-blanchiment !
    Ne serait-ce pas là « saucissonner » les plaintes et in fine charger la BNB de répondre au cas par cas ?

  • le champ d’application du service bancaire de base est limité aux entreprises visées à l’article I.1, 1° du Code de droit économique ;
    En conséquence de quoi, le Ministre rappelle que les ASBL peuvent y prétendre ; en revanche, en ce qui concerne les copropriétés, ce sont « les syndics de copropriété qui peuvent prétendre au service bancaire de base, dans la mesure où ils représentent une association de copropriétaires, ayant le statut de personne morale, et où ils sont inscrits à la Banque-Carrefour des Entreprises » !

A ce stade, alors qu’une action à grande échelle de de-risking auprès de catégories entières de clients a pourtant bien été reconnue, il est regrettable que la fermeté ne conclut pas cette question en intimant directement aux institutions bancaires de prendre leurs responsabilités, de remplir leur office et d’apprécier le profil de risque de leurs clients individuels, en l’occurrence les copropriétés qui n’ont pas de patrimoine personnel !

Par ailleurs, cette affirmation révèle une grande méconnaissance des copropriétés en Belgique. Elle est de nature à semer la confusion dans les esprits.

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Quelques rappels de principe relatifs à la copropriété, titulaire d’un compte bancaire

  • Une copropriété est généralement composée d’un ensemble de lots distincts appartenant chacun à des propriétaires individuels de toutes sortes et de tous horizons. Ceux-ci ne se sont d’ailleurs rendus propriétaires qu’avec un contrôle sérieux et individualisé de l’Administration fiscale, puisque leur droit de propriété a déjà et préalablement été transcrit dans les registres ad hoc de l’Administration générale de la documentation patrimoniale ;

  • C’est ainsi que tous ces propriétaires sont réunis en ASSOCIATION DE COPROPRIETAIRES ;

  • L’association des copropriétaires peut être une personne morale dès lors qu’elle dispose de statuts transcrits dans un registre ad hoc au sein de l’Administration générale de la Documentation patrimoniale (hypothèques). Elle pourrait également être une association de fait, sans personnalité juridique, parce que ses statuts n’ont pas été transcrits aux hypothèques ;

  • Qu’elle soit personne morale ou association de fait, elle n’a légalement été constituée en association des copropriétaires que pour les besoins de sa gestion journalière et des parties communes de l’immeuble concerné dont elle n’est pas du tout propriétaire ;

  • Dans le cadre de cette gestion commune, l’association des copropriétaires doit désigner ou nommer souverainement et librement un syndic pour les représenter légalement et judiciairement ;

  • Toute association de copropriétaires doit aussi, en vertu de la loi sur la copropriété, être titulaire d’au moins un compte bancaire qui doit, obligatoirement, être à son nom et nullement au nom de son syndic, qui n’est que (temporairement) son représentant (légal) ;

  • C’est dans ce cadre que le syndic, professionnel ou non, doit « s’inscrire à la Banque-Carrefour des Entreprises » ; cette inscription à la BCE assure aux yeux des tiers l’opposabilité de la fonction (temporaire) au sein de l’association, et non pas parce qu’il exerce d’autres activités indépendantes et économiques ; en tous cas, ce n’est pas l’inscription à la BCE qui peut conférer au syndic son pouvoir de représenter la copropriété aux yeux des tiers.

En conclusion

Même si la reconnaissance au service bancaire de base est un pas vers la bonne direction, ce n’est que justice et respect de la loi.

En revanche, l’affirmation selon laquelle ce sont les syndics de copropriété qui « peuvent prétendre au service bancaire de base, … » devrait nécessairement être révisée. Elle est de nature à répandre confusion et nouvelles interrogations.

En effet, ce ne sont pas les syndics, quels que soient les critères retenus, qui sont en droit de bénéficier de ce service de base ! Ils ne sont ni titulaires des comptes bancaires des copropriétés qui sont obligatoires, ni représentants permanents des copropriétés. En revanche, les copropriétés, par nature conçues pour durer (dans le temps), sont titulaires de comptes bancaires, ceux-ci ne dépendant ni de la personne de leur syndic, ni de la reconnaissance positive de ceux-ci par les banques.

Enfin, faut-il le rappeler, les droits de propriété et les activités individuelles de chaque copropriétaire au sein de chaque association et d’ailleurs ignorés généralement des voisins sont déjà, préalablement à leur accès à la copropriété et ensuite, annuellement et ponctuellement, vérifiés par l’Administration fiscale, quant aux identités notamment.

Serait-il acceptable que chaque syndic ou chaque banquier (choisi par la copropriété) s’érige alors en vérificateur de la situation fiscale de chaque propriétaire contribuable, chacun déjà soumis quotidiennement aux contrôles de conformité aux exigences de la Loi anti-blanchiment et alors que les comptes bancaires n’existent et ne sont ouverts qu’au nom de leur association de copropriétaires qui ne possède rien ?

Enfin, ne serait-il pas opportun, que ce soit, pour le bon ordre, le Ministre Dermagne qui interpelle la Banque Nationale de Belgique quant à son contrôle du respect de la circulaire ? Affaire à suivre dans un prochain numéro…

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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