Des copropriétés confrontées à des frais bancaires exorbitants et à l’exclusion bancaire

Le CRI n°476 - Septembre 2023
Des copropriétés confrontées à des frais bancaires exorbitants et à l’exclusion bancaire

Les lecteurs du CRI se rappelleront notre appel à témoignages du mois de décembre 2022. Il s’agissait alors de comprendre et d’objectiver les difficultés des copropriétés vis-à-vis des Banques et les exclusions auxquelles elles étaient confrontées.

Prenant le relais et à plusieurs reprises, le député Patrick Prévot a posé des questions parlementaires. Un premier échange avec le Ministre de l’Economie, Pierre-Yves Dermagne était relaté dans l’article du CRI n°472 « Comptes bancaires : le député Prévot au secours des copropriétés ».

Depuis le début de 2023, de nouvelles tarifications bancaires ont été mises en œuvre. Les questions orales posées et la réponse ministérielle du 5/7/2023 font maintenant l’objet de ce présent article. Quand nous connaitrons la réponse ministérielle, nous reviendrons à l’autre question (écrite) du député Patrick Prévot.

Remarque préalable

Le droit bancaire et financier n’étant ni de notre ressort ni l’objet de ces propos, les lecteurs voudront bien accepter le caractère certainement superficiel et simplifié de certaines notions évoquées.

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Les faits quant aux frais bancaires

Dès juin 2023, une nouvelle tarification bancaire est entrée en vigueur. Celle-ci prévoit l’application d’un montant forfaitaire annuel pour frais administratifs de gestion de 250 €.

Pratiquement, selon la banque, cette tarification s’applique quel que soit le nombre de comptes de la copropriété dans la banque ou sur le compte à vue affichant le plus grand nombre d’opérations débitrices au cours de l’année écoulée. Autrement dit, dans de petites entités, les frais de gestion bancaire peuvent facilement atteindre un minimum de 10% des dépenses annuelles de l’ACP!

Au grand dam des copropriétaires de ces petites entités avec peu d’opérations et de montants limités, les banques ont indiqué que « la gestion des associations de copropriétaires représente une charge administrative importante » ! Une telle tarification est sans commune mesure avec la réalité d’une petite copropriété. Elle apparaît donc disproportionnée et discriminatoire.

Etonnamment et pour la première fois, une banque a aussi avancé, sans autres explications, un autre argument pour justifier l’augmentation tarifaire, à savoir que « de plus en plus d’immeubles regroupent un certain nombre d’unités de logement, ce qui rend le suivi plus complexe, … » !!!

Offensives parlementaires

Vu les récentes mesures prises par le monde bancaire et la transformation unilatérale et sans préavis du compte-épargne en compte à vue des ACP, en juin 2023,

Madame Katrien HOUTMEYERS (N-VA) interpellait le Ministre Dermagne selon question orale QO 37611. Elle rappelait que la loi sur la copropriété prévoit que le patrimoine d’une copropriété est constitué d’un fonds de roulement et d’un fonds de réserve et qu’en conséquence, une ACP doit nécessairement avoir au moins 2 comptes bancaires. Elle rapportait tant le refus de certaines banques d’ouvrir de comptes bancaires aux ACP que la forte augmentation des frais de dossier annuels de 200 € et plus ;

Monsieur député Patrick PREVOT (PS) interpellait aussi le Ministre selon question orale 37908 : malgré la lutte contre le blanchiment d’argent et le devoir de vigilance, « … tout fonctionne comme si certaines banques détournaient cette loi (celle du 18/9/2017 visant à lutter contre le blanchiment d’argent et le financement des organisations criminelles ou terroristes) de son objectif, en cherchant avant tout à se débarrasser des clients non rentables. Une circulaire, rédigée par la BNB le 1/2/2022, a (pourtant) été envoyée aux banques pour attirer l’attention sur cette problématique…. Une solution pour lutter contre l’exclusion bancaire des associations de copropriétaires serait de leur donner accès au service bancaire de base, soit au titre de consommateurs, soit au titre d’entreprises. Toutefois, selon le Code de droit économique, les copropriétés ne sont ni des consommateurs ni des entreprises et n’ont donc pas droit au service bancaire de base. Les copropriétés sont dans une situation vraiment complexe or elles ne peuvent se passer d’un compte bancaire. ».

Leurs questions :

  1. Geldt de basisbankrekening zowel voor de rekening van het werkkapitaal als de rekening van de reservekapitaal ? (n.d.tr.: est-ce que le service bancaire de base est valable tant pour le fonds de roulement que pour le fonds de réserve ?)

  2. Welke kosten kunnen voor beide rekeningen worden aangerekend ? (n.d.tr.: quels sont les frais qui peuvent être comptabilisés pour chacun de ces comptes ?)

  3. Comment les copropriétés pourraient-elles bénéficier du service bancaire de base?

La réponse du Ministre Dermagne en Commission du 5 juillet 2023 a été :

« … Informé de la situation … compte de paiement clôturé …. frais de gestion de leur compte de paiement doublés … Malheureusement, les associations de copropriétaires ne peuvent bénéficier du service de base car elles ne peuvent être considérées comme des consommateurs, ou comme des entreprises au sens du Code de droit économique.

Face à ces trop nombreuses situations, j’ai chargé mon administration d’examiner plus en détail la problématique et de formuler la solution la plus adaptée à cette problématique.

Par ailleurs, il a souligné que « le service bancaire de base aux entreprises et le service de base aux consommateurs impliquent le droit à un service minimum, à savoir l’accès à un compte de paiement et aux opérations essentielles qui s’y rapportent. La loi prévoit d’ouvrir un compte de paiement par entreprise et par consommateur. Mais ce service de base ne comprend pas la fourniture d’un second compte de paiement ou d’un compte d’épargne.

Le service bancaire de base aux entreprises n’est pas (nécessairement) gratuit. Les établissements de crédit fixent le prix du service de base. Le service bancaire de base au consommateur est quant à lui plafonné à un montant de 19,10€. Le prix maximal de ce service est adapté chaque année à l’indice des prix à la consommation. »

En tous cas, vu que les copropriétés doivent respecter le prescrit légal d’un double compte bancaire, les lecteurs de cet encadré apprécieront cette réponse avec un point positif puisque « son administration est chargée d’examiner plus en détail et de formuler la solution la plus adaptée ».

Conclusion

Vu les réactions du « terrain », le politique se mobilise enfin.

L’attention particulière du Ministre Dermagne aux problématiques soulevées, à savoir le refus à l’ouverture d’un compte bancaire ou leur clôture, les frais de gestion doublés ou la nécessité d’un service bancaire de base au profit des copropriétés, annonce que son administration proposera des solutions adaptées …. Nous sommes donc en mode de vigilance attentive. Enfin, nous attendons avec intérêt (et impatience) la proposition de loi annoncée par le député Prévot.

Par ailleurs, vu les développements du dossier, nous vous proposons aussi l’article ci-après.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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