Le congé du bailleur pour occupation personnelle

Le CRI n°448 - Novembre 2020
Le congé du bailleur pour occupation personnelle

Quelles sont les “circonstances exceptionnelles” pouvant justifier l'absence de cette occupation ?

Déjà sous l'empire de la loi du 21 février 1991, figurant à présent à l'article 55 §2 du décret wallon du 15 mars 2018 sur le bail d'habitation, à l'article 237 §2 du Code bruxellois du logement et à l'article 17,§1er du décret flamand du 9 novembre 2018 sur le bail d'habitation, un bail de résidence principale peut être résilié par le bailleur, moyennant un préavis de 6 mois, s'il a l'intention d'occuper le bien personnellement et effectivement ou de le faire occuper de la même manière par ses descendants, ses enfants adoptifs, ses ascendants, son conjoint ou cohabitant légal, les descendants, ascendants et enfants adoptifs de celui-ci, ses collatéraux et les collatéraux de son conjoint ou cohabitant légal jusqu'au troisième degré.

Le congé doit mentionner l'identité de la personne qui occupera le bien et son lien de parenté avec le bailleur.

Cette occupation doit être réalisée :

  • dans l'année qui suit l'expiration du préavis donné par le bailleur ou, en cas de prorogation, la restitution des lieux par le preneur,

  • de manière effective, même si l'occupation n'est que partielle ou motivée par d'autres fins qu'une résidence principale (l'occupation est indépendante de celle de domiciliation). L'appréciation de ce critère se base sur un ensemble d'éléments de fait tels que la présence de mobilier, l'envoi des factures d'eau, gaz, électricité dans les lieux loués... (M. GUSTIN et S. NAPORA, « Le bail de résidence principale, chronique de jurisprudence (1997-2002) », Chronique de droit à l'usage des juges de paix et de police, cahier n° 36, p. 26) ;

  • et continue (sans devoir nécessairement être permanente) pendant deux ans au moins.

Il revient au locataire d'apporter la preuve de cette non-occupation. Toutefois le bailleur est tenu de collaborer loyalement à l'administration de cette preuve, sachant qu'il est le seul à pouvoir produire certains éléments utiles à la solution du litige (J.P. Fontaine-l'Evêque, 26 janvier 2016, J.L.M.B., 2016/38, p. 1809).

Ainsi ce motif de congé ne peut être donné à la légère ou de manière incertaine car la sanction est lourde pour le bailleur : à défaut d'une telle occupation, il sera redevable envers le locataire d'une indemnité équivalente à 18 mois de loyers.

Le seul cas de figure qui permet de ne pas devoir verser une telle indemnité au locataire, en cas de non occupation des lieux dans les conditions énoncées ci-avant, est la justification de « circonstances exceptionnelles ».

Celles-ci ne sont pas définies par la législation et sont laissées à l'appréciation des tribunaux, étant généralement interprétées de manière assez stricte.

Quelles sont-elles ?

Ces circonstances exceptionnelles doivent être indépendantes de la volonté du bailleur ou de celle du bénéficiaire désigné de l'occupation personnelle, et ne pas être raisonnablement prévisibles au moment du congé (Civ. Nivelles, 10 avril 2013, J.T., 2013, p. 383).

Ont été reconnues comme telles, les circonstances suivantes :

  • une décision de justice ayant confié l'hébergement principal des enfants du bailleur à leur mère habitant Majorque, le bailleur ayant renoncé à occuper le bien pour tenter de se rapprocher de ses enfants (J.P. Jodoigne, 28 avril 2016, J.J.P. 2017/5-6, p. 287);

  • des dégradations volontaires et actes de vandalisme commis par le locataire ayant engendré des travaux très importants pour pouvoir rendre les lieux occupables (J.P. Fléron, 18 février 2016, J.J.P. 2017/5-6, p. 333) ;

  • la participation et la réussite d'un examen dans le chef du bailleur en vue d'exercer sa profession au Luxembourg alors qu'il devait occuper son bien à Courtrai (J.P. Courtrai, 18 juin 2014, J.J.P. 2016, p. 201).

N'ont pas été considérées comme circonstances exceptionnelles les cas suivants (M. GUSTIN et S. NAPORA, « Le bail de résidence principale, chronique de jurisprudence (1997-2002) », Chronique de droit à l'usage des juges de paix et de police, cahier n° 36, p. 26):

  • la séparation, après une brusque mésentente, de la petite-fille du bailleur qui devait occuper le bien après son mariage;

  • les difficultés financières du bailleur et de son fils, pour lequel le congé avait été donné;

  • le fait que la fille du bailleur, encore scolarisée au moment du congé dont elle était la bénéficiaire, n'avait pas trouvé d'emploi;

  • la rupture des fiançailles, de la fille au bénéfice de qui la résiliation du bail avait été obtenue ;

  • des raisons de santé ayant obligé le bailleur à aller s'installer chez son fils, dès lors « qu'à aucun moment, les médecins ne font allusion au fait que l'état de santé de leur patient se serait à ce point dégradé qu'il aurait nécessité la mise en place d'une surveillance constante et d'une assistance organisée laquelle, de surcroît, n'aurait pu être mise en place sur son lieu de résidence (d'autant qu'il n'y vivait pas seul) mais devait absolument l'être chez un tiers, en l'occurrence chez le fils » ( J.P. Fontaine-l'Evêque, 13 mars 2014, J.L.M.B. 2016/7, p. 330).

Au vu de la jurisprudence et de la gravité de la sanction, nous ne pouvons que vous conseiller d'être particulièrement vigilant si vous optez pour ce motif de renon alors que vous n'avez pas réellement l'intention d'occuper le bien ou de le faire occuper par un membre de votre famille.

Cet article n'est valide qu'à la date où il a été publié.
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